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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 17:10

Couloir de la mort

 

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En dix-huit séquences pour autant de mise à mort, Alan Clarke cadre un acte en théorie rare qui devient une sorte de geste banal dans le Belfast des années 80 : le meurtre.


 

Au commencement, il y avait Alan Clarke. A Belfast, lieu de tensions religieuses et sociales, Elephant programme dix-huit homicides. Tous froidement exécutés. Dix-huit séquences, au schéma similaire, faites pour porter le coup de grâce à la bonne morale visuelle. Rien n'est épargné. Le sang coule et la vie n'a pas de valeur. Gus Van Sant y a bien puisé toute la force épidermique pour mettre en image la tuerie du lycée de Colombine. A savoir de longs plans, à l’inertie glaçante. La caméra souffre de voir ces corps patauds déambuler vers le trépas. Par dix-huit fois, la mise à mort trouve une horreur nouvelle. Afin de supprimer toute facette ludique à cette répétition de l'acte, Clarke crée de menues variations.

 

article-elephant.jpg

Il commence toujours par un plan d'ensemble, duquel surgit le futur criminel. Sans un mot, il s'approche d'une victime invisible. Quand il peut, il arpente lui-même les couloirs et va chercher à accomplir sa mission. Au pire, il s'arrange pour que la victime lui ouvre la porte. Tous les meurtres se font à l'arme à feu, planquée dans la parka le plus gris du monde. On ne saura rien des motivations. Chaque victime se rend à peine compte qu'elle est piégée. Elle suffoque à peine qu'un second coup mortel lui est porté. Aucune chance de fuir, pas la peine d'espérer en échapper. Insert sur l'arme à feu, entité la plus vivante d'un film sans réel personnage (en tout cas, selon les définitions en vigueur). Seuls des hommes agissent, pas une seule femme. Puis retour au décor initial, inchangé. Comme si l'éclair funeste était déjà oublié. Là, le bourreau repart, plus ou moins calmement. Pour boire une bière ou continuer son combat. Nous n'en saurons rien.

 

Un dernier insert sur le corps sans vie attise l'attention. C'est la seule ellipse spatiale permise. L'âme a quitté l'enveloppe charnelle, la caméra peut aussi se permettre d'être éthérée. L'occasion de constater les dégâts. Effroi garanti. Sans musique, ni parole ou presque, Elephant épure au maximum pour mieux faire ressentir la décharge. Ce qui émeut, c'est le potentiel de vie qui s'en échappe. Un gymnase vide, une allée de promenade au soleil levant, un terrain de foot, tous ces endroits se dédouanent en quelque sorte de la sauvagerie. Une impression de répétition se fait alors sentir. N'a t-on pas déjà vu de ce couloir, n'est-ce pas le même pub, le même assassin ? De l'impression de cercle vicieux découle le mal être le plus profond. La mise à mort ne change rien, mais elle semble indispensable.

 

article-elephant-2.jpg

Deux variations attirent tout de même l'attention. L'une sur un terrain de foot, ou plutôt un champ de patates. Un cynisme éclot quand on voit l'homme armé taper la balle avec sa future victime. Ce sont aussi les seules paroles proférées. Le jeune garçon voit sa mort. Il ne la conteste pas simplement en fuyant, il prend à parti ses camarades malheureusement impuissants. La fin est-elle donc inéluctable ? Clarke le conteste à ce moment précis. Le second moment un peu différent sert de conclusion. Dans un très long plan hypnotique de deux hommes en marche, rien ne laisse prédire l'ultime variation. Les places de bourreaux et victime se brouillent. Une façon de garder intact le côté imprévisible. Le choc n'en est que plus grand.

 

Elephant, d'Alan Clarke (G.-B., 38min, 1988)

 

Coffret Alan Clarke 3 dvd de Potemkine et Agnes B. disponible. Sur le même dvd qu'Elephant, retrouvez aussi The Firm.

 

coffret alan clarke

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