This is England
Le parcours destructeur d'un jeune skinhead dans l'Angleterre des années 1980 met en évidence les difficultés de réinsertion sociale.
De l'esprit punk surgit la fureur la plus impalpable pour quiconque ne voudrait y voir autre chose que du désordre. Alan Clarke le met en image. Les années 80 destructrice de Tatcher servent de toile de fond. Tim Roth pour ses débuts au cinéma arbore fièrement sa croix gammée sur le front. L'excuse raciale ne change finalement que peu de choses. Made In Britain n'est pas le portrait d'un néo-nazi mais celui d'un jeune perdu comme des milliers d'autres. La transgression est la seule raison de vivre de Trevor. Condamné à aller dans un centre pour jeunes délinquants, il va consciemment choisir de ne pas rentrer dans les clous. Le sourire narquois de Trevor provoque autant qu'il le conforte dans sa posture de petite frappe.
Clarke montre la façon dont la réinsertion sociale est un écran de fumée. Jamais le fond du problème n'est attaqué. Lors d'une scène de morale des autorités, Trevor n'a que faire des démonstrations théoriques d'un des tuteurs. Il n'y a que Harry Parker, seul personnage à l'incarnation sociale (on voit sa famille), qui cherche vraiment à satisfaire l'humain. Clarke montre le jeune homme non pas comme un monstre, mais comme un être désorienté. Les perspectives d'emploi sont quasi nulles. Il se venge en chipant les annonces et en détruisant la vitrine de l'ANPE. L'habit du skinhead ne fait pas le citoyen. Il affiche simplement un signe distinctif pour exister. Son comportement est faussement raciste. Bien qu'il parle de « négros » ou de « youpin », Trevor ne développe pas de discours sur une race supérieure. Il tente mollement de se réclamer « plus anglais » que les autres ; plus une provocation qu'un réel engagement politique.
La violence des mots est plus subtile que Scum. Son choc, moins brutal, montre bien la gangrène invisible de la Grande-Bretagne de l'époque. Celle d'une crise sociale où tout est gris. Les bonnes paroles en préfabriqués se moulent à la conformité architecturale de ces villes de prolétaires. Héros nihiliste jusqu'au bout, Trevor préfère s'abandonner à l'anarchie la plus crétine que de s'adapter à un monde qui ne veut pas de lui. Sauf quand il arrive en prison. Là, sa confiance va être ébranlée à coups de matraque. Les « borstal » n'existent plus mais la réprimande la plus sommaire agit encore. Moins manichéen dans sa démonstration que Scum, Made in Britain marque moins les esprits. Pourtant, il ajoute un pan passionnant à la vision désabusée du regretté cinéaste.
Made in Britain, d'Alan Clarke, avec Tim Roth, Bill Stewart, Terry Richard (G.-B., 1h12, 1982)
Coffret Alan Clarke 3 dvd de Potemkine et Agnes B. disponible.