Drame social sur des immigrés d'Espagne plutôt tenu bien que convenu. On y découvre surtout l'explosion d'une jeune actrice colombienne qu'on espère revoir très vite.
On connait Guillermo Del Toro en tant que bon (excellent diraient certains) réalisateur responsable entres autres des Hellboy, du Labyrinthe de Pan ou de Blade II. On sait aussi qu'il prépare le très attendu Bilbo Le Hobbit. C'est pourtant sous la casquette de producteur qu'il prête son nom pour le film Rabia, aux antipodes des films qu'on lui connait. On a affaire ici à un drame social plutôt classique. José-Maria et Rosa, émigrés sud-américains, tombent éperdument amoureux. Sauf que José-Maria tue accidentellement son chef de chantier. Obligé de se planquer, il se réfugie à l'insu de tous chez les employeurs de sa dulcinée, engagée comme domestique dans une famille bourgeoise.
Rabia se présente comme un huis clos de plus en plus étouffant pour le jeune meurtrier. Il assiste impuissant aux souffrances quotidiennes de Maria. Le jeune réalisateur équatorien Sebastian Cordero livre son troisième film (après Ratas, Ratones y Rateros et Investigations) avec sobriété. S'il excelle dans les moments de fortes émotions et de tensions, il paraît s'ennuyer le reste du temps. Les moments où la trame s'assombrit, les sentiments s'exacerbent. Cordero parvient à créer une répulsion mêlée à de l'empathie pour ce jeune meurtrier un peu victime du système. D'où le terme « Rabia », à traduire par « Rage ». On a même droit à un effet Lost quand les bruitages disparaissent et une musique minimaliste envahi l'espace. Filmé un peu comme deux autres huis clos récents avec Les secrets et L'enfance du mal, Rabia pêche un peu en comparaison.
Mi-figue mi-raisin de la colère
Surtout face au film tunisien qui révélait une vraie saveur mystique. L'enfance du mal jouait lui sur les styles, prenant intelligemment les codes du film d'horreur. Avec Rabia, aucune créativité apparente. Reste le plus important, le développement de toute une vision sociale. Au moins dans sa première partie, le thème de l'immigration clandestine s'installe. La police l'utilise comme moyen de pression, la possibilité de retour au pays se pose. Plus largement, c'est l'envie d'ascenseur social qui cristallise des problèmes. Si José Maria tue son patron, c'est par désir de ne pas se faire soumettre comme chez lui. L'eldorado européen se révèle un purgatoire pour le jeune homme. La tension est palpable, la relation déchirante.
On assiste à l'explosion d'une actrice sublime, véritable force de ce film : Martina García . Retenez son nom, je fais solennellement la prédiction d'une belle carrière pour elle. Son visage d'ange meurtri, empli d'amour sans concession , montre à la fois toute la vigueur et toute la détresse d'un cœur abandonné et d'un corps soumit aux épreuves. A ses côtés, Gustavo Sanchez Parra, vite fait aperçu dans Man of Fire et La légende de Zorro, se donne corps et âme. A eux deux, ils crédibilisent une histoire un peu trop convenue dont le dénouement ne lésine pas sur les clichés et la philosophie lourdingue. Rabia vague constamment entre le très réussi (sa première demi-heure, impeccable) et un académisme maladroit (certains mouvements de caméras, le rapport domestique/bourgeois). Face à ce résultat mi-figue, mi raisin de la colère, retenez au moins ce nom : Martina García . Une comédienne d'avenir.
¹ : ceux qui ont vu le film comprendront pourquoi ce titre
Sortie le 2 juin
Rabia, de Sebastian Cordero, avec Gustavo Sanchez Parra, Martina García, Icía Bollaín (Esp., Mex., Col., 1h35, 2010)
La bande-annonce de Rabia ci-dessous :