Guerres infantiles
La nouvelle guerre des boutons
Duel de branques dans les cinémas où dans la médiocrité, Cristohphe Barratier atteint des sommets plus écœurants encore que Yann Samuell.
Dans les premières minutes du film de Barratier, Lebrac assoit son autorité de chef en lançant : « si tu veux, on compare la taille de nos bites. » Il ne pouvait y avoir résumé plus parfait de la chamaillerie de producteurs qui nous fait subir non pas une mais deux Guerre des boutons. Et puisque le spectateur n'est plus qu'une vache à lait, autant lui ressortir la vieille version d'Yves Robert (1962). Une semaine d'intervalle sépare le poulain de Marc du Pontavice, Yann Samuell, du protéger de Thomas Langmann, Christophe Barratier. Deux réalisateurs déjà coupables d'atrocités. Le premier avait fait Jeux d'enfants quand le second avait commis Les Choristes et Faubourg 36. Deux nouveaux films avec des mômes insupportables, deux écritures déplorables, deux traitements proches qui mettent en valeur un autre cinéma « de qualité française ».
Honneur au premier sorti avec La Guerre des boutons, avec comme stars Mathilde Seigner, Eric Elmosnino et Alain Chabat. Le naufrage vient avant tout de la mise en scène, brouillonne au possible, où chaque lutte se voit découpée à la truelle. L'ensemble devient illisible. L'utilisation de zoom (sur les clochers notamment) n'a aucun sens. Tout est tristement fade, mal écrit et peu inspiré. Les rares apparitions des adultes illustrent la non-direction d'acteur dont Samuell se rend coupable. Cela marche quand Fred Testot cabotine en curé de campagne mais le duel Chabat/Elmosnino aurait pu donner quelque chose de plus consistant. Devant l'infini ennui que procure cette guerre infantile, on en vient à geindre devant l'aspect vieille France qui en ressort. Les temps jadis ne sont jamais critiqués. Pis, la liberté, moteur même des aspirations des mômes, ne se ressent jamais.
C'est bien le problème d'un film trop produit. L'année 2011 a offert de beaux films sur l'enfance. Tomboy savait filmer à leur hauteur. Là il s'agit juste d'offrir un divertissement bête où chaque réplique se doit d'être une vanne. En vain. Mais ce n'est presque rien face à l'horreur du message de Christophe Barratier. Toujours plus à l'aise avec le rance, monsieur Les Choristes ne fait pas confiance au sujet et contextualise l'histoire pendant la seconde guerre mondiale. Ce que Samuell évitait à peu près avec la guerre d'Algérie devient le moteur du récit chez La Nouvelle guerre des boutons. Point Godwin magistral où les traîtres subissent les punitions de gens se comportant comme des nazis – dixit les dialogues. Un film qui nous rappelle aux bons souvenirs de La Rafle de Rose Bosch.
La France était donc un pays fredonnant « Maréchal nous voilà » en public pour mieux préparer sa libération. Car au-delà des petites chamailleries du quotidien, tous sont de courageux résistants la nuit. L'image que transmet Barratier de la France occupée limite les collabos à des ratés revanchards. La figure du SS -petit, moche et hargneux – rappelle vraiment les pires préjugés. Si Samuell est moins à l'aise avec la caméra, la grammaire utilisée par Barratier a de quoi gêner. Avec ses grands effets de grues comme dans un film d'aventure, sa Nouvelle guerre des boutons laisse présager d'un vent de liberté dans une France prise au piège. La joliesse écœurante de ce qui devrait être laid illustre l'incapacité chronique du cinéaste à hiérarchiser le message par l'image. Les errements populistes et vieillots font froids dans le dos et relèguent l'aspect faisandé du concurrent au second plan. Le plus terrible dans ces comparaisons, c'est de ne voir aucun des deux films cacher de vraies qualités. Le premier est juste suranné, l'autre carrément abjecte.
La guerre des boutons, de Yann Samuell, avec Eric Elmosnino, Mathilde Seigner, Fred Testot (Fra., 1h49, 2011)
La nouvelle guerre des boutons, de Chrisstophe Barratier, avec Lætitia Casta, Guillaume Canet, Kad Merad (Fra., 1h40, 2011)
La bande-annonce de La Guerre des boutons :
La Bande-annonce de La nouvelle guerre des boutons :