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1 novembre 2011 2 01 /11 /novembre /2011 11:03

Conte drôle et élégiaque

 

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Trois garçons perdus dans un monde hostile se réfugient dans les grands espaces de la nature pour démarrer une nouvelle vie. Fraîcheur de l'enfance et drôlerie mélancolique, la nouvelle pépite de Bouli Lanners.

 

Le goût du marginal a toujours érigé le cinéma de Bouli Lanners à un statut à part dans le paysage cinématographique. Bien qu'affilié à Kaurismaki ou à ses potes Kervern/ Delépine, le belge joue du basculement du réalisme glauque à la légèreté de l'instant. Ses films débordent de vie. Le succès d'Eldorado en attestait. Les géants vient creuser le sillon. Bercés par l'abandon, les personnages de Bouli Lanners puisent leur force de vivre dans le sourire et l'innocence. Film de vacance (au sens littéral) où la chaleur familiale disparaît, Les géants conforte sur la grandeur d'âme de personnes pas si élevées vers les cimes. Conte social magnifique, le film raconte comment Zak et Seth, frères dont la mère ne donne plus de nouvelle, tentent de s'en sortir. Le troisième larron de l'épopée se nomme Dany, gamin tout aussi mis à l'écart. Son frère brutal ne lui veut pas que du bien. Tel les trois petits cochons, ils se décident alors de faire bouger les lignes en dépit d'un méchant loup.

 

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Peu à peu, ces enfants comprennent la cruauté adulte. Leur fuite dans la nature rappelle aussi bien Délivrance, Au milieu coule une rivière que La nuit du chasseur. Quand on demande à Bouli Lanners pourquoi les grands espaces étaient aussi importants pour cette histoire, il répond logiquement : « ça ne marchait pas en ville. Déjà car trop de déterminants sociaux entraient en compte. Les voisins se seraient posé des questions par exemple. Et j'avais besoin de cette abstraction de la nature dont je me sens très proche ». Contraste saisissant de voir l'entre-deux âges de ces gamins toujours en mouvement avec le regard élégiaque d'un cinéaste serein, amoureux de la nature. Cela donne des images splendides comme rarement on en voit en Europe. Pour savoir ce qu'il y a au-delà de la rivière, Zak, Seth et Dany doivent s'élever au dessus des adultes, devenir des « Géants ».

 

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Il leur faut d'abord se cloîtrer ; dans une cabane, dans la maison familiale. Puis avaler le bitume, en voiture ou à pied. Et si ces gosses y arrivent, c'est parce qu'ils sont pleins de vie. Le naturel des acteurs est prodigieux. Le réalisateur belge les dirige avec talent mais nul doute qu'il faille saluer la crédibilité de -citons les- Zacharie Chasseriaud, Martin Nissen et Paul Bartel. Le langage est vrai, souvent à tomber de rire. Dans une alternance de situations qui prennent du temps pour se mettre en place et de jeux elliptiques pour illustrer cette fureur de vivre, Les géants croque le présent en prévoyant le futur. Le gros mot n'est plus vulgaire, il aborde plutôt la dureté du conte avec courage. Quand au coin d'un feu, ils se balancent des grossièretés en s'amusant, ils oublient la pluie qui s'abat sur eux. La fuite dans la nature comme exutoire travaille le non-dit. « L'inverse d'un téléfilm, ajoute Lanners. Pour moi, [ce format] tue l'imaginaire et la création car tout doit être dit et répété ». Au surlignage, l'acteur-réalisateur préfère l'évocation par la musique folk, la touche chabrolienne, les silences gênés et l'absurdité des situations typique du cinéma belge.

 

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Les enjeux dépeints ont pourtant de quoi bouleverser. « Le film touche les mamans, certaines me l'ont dit. Le déracinement familial remet en cause la parentalité. Alors non, ça n'est pas ma vie, j'ai eu une enfance très heureuse, mais comme ces mômes, je ressentais le besoin de me réfugier ». Et quand la cabane s'effondre, c'est toute la solidité d'un groupe qui est ébranlée. L'abandon des adultes est tel que ces gamins pourraient en mourir. A ce moment, en dépit du ton toujours mutin, un léger frisson d'effroi traverse l'esprit. En cela, la comparaison avec La Nuit du chasseur n'est pas fortuite. La terreur des Géants n'est pas aussi imposante que Robert Mitchum. Néanmoins, la nécessité de fuir demeure aussi forte. Dans une scène hilarante, les trois garçons se font des teintures blondes. Au-delà du bordel qu'ils foutent, ils se parent de leur peau d'adulte, un peu comme le serpent mue. De ce changement découlera la prise de responsabilité, le besoin de tout effacer et de reprendre à zéro. Les dernières images qu'on ne dévoilera pas laissent libre cours aux esprits optimistes ou pessimistes.

 

Les géants de Bouli Lanners, avec Zacharie Chasseriaud, Martin Nissen, Paul Bartel (Bel., Fra., Lux, 1h25, 2011)

 

Sortie le 2 novembre

 

La bande-annonce de Les Géants :

 

 

 

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28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 21:20

D'Hergé à Spielberg... en passant par Blake Edwards

 

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En faisant du burlesque le moteur central de son film d'aventure, Spielberg trouve le processus juste pour adapter Tintin, figure iconique absolue. La performance capture transcende le récit au-delà des cases de la BD.

 

Le défi le plus essentiel de l'adaptation de Tintin sur grand écran portait sur l'émancipation du matériau originelle. Habituellement ici même, on prône la non-comparaison d'une œuvre littéraire à son support filmique. L'écrit n'est pas l'image et la grammaire diffère totalement. Le problème devient épineux dès qu'il s'agit de BD, voire d'iconographie religieuse. Les images sont déjà préconçues. La vision d'un Jésus sur les vitraux ou d'un Largo Winch sur une planche de dessin inhale l'imaginaire et transmet plutôt un faisceau d'informations. Il est toujours possible de passer outre l'image, de choisir la période de représentation que l'on préfère. Passolini avait sa vision de l'évangile comme Burton avait la sienne de Batman. Le problème devient encore plus retord dès qu'il s'agit d'une icône populaire. Abandonnons le champ du religieux et restons sur quelques grandes figures francophones. Comment mettre à l'écran Brassens ou Popeye, comment illustrer les contes de Perrault. Sfar s'était lancé le pari de mettre sa vision de Gainsbourg au cinéma. Quoi qu'on pense du film, l'approche était la bonne puisque occultant l'image commune du chanteur pour ne garder que ses souvenirs en tant que Sfar, fan de.

 

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Revenons à nos moutons et constatons que Spielberg a encore poussé le principe plus loin. Au lieu de beugler sur ce choix d'un réalisateur d'Holywood qui dénaturerait la bande-dessinée, rappelons-nous les tentatives calamiteuses d'adaptations francophones. Tout le monde sait maintenant qu'Hergé ne voulait que le réalisateur d'Indiana Jones pour adapter le héros à la houppette sur grand écran. Un choix qui va au-delà de la simple coquetterie de prendre un mec doué. Spielberg est américain, là-bas, « Tinetine » bénéficie d'un amour moindre. Son statut de citoyen de l'oncle Sam lui confère une sorte de recul salvateur. Il est le cinéaste de l'entertainment comme Tintin est le héros familial. Un lien qui les unit jusque sur l'écran. Spielberg se confond avec le reporter, il est cette entité pétrie par la curiosité. Cette caractéristique a toujours façonné son cinéma, de Rencontre du 3e type jusqu’à Jurassic Park. Comment ne pas se pencher sur Tintin, journaliste de profession, dont on ne voit jamais ses articles mais qui mène l'enquête par la soif de vérité ? Le travail de passerelle y est formidable. Dans un générique qui a tout à voir avec La panthère rose (cela a son importance, nous allons y revenir), les dessins et la musique jazzy de John Williams créent un corridor temporel et psychique entre l’œuvre d'Hergé et celle de Spielberg.

 

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Pour mieux se détacher des cases dessinées, l'idée de génie consiste à contextualiser le personnage même de Tintin à travers son passé glorieux. La première scène montre un croqueur de portrait s'occuper du jeune héros. Alors que l'on a pas encore découvert le visage remodelé par les nouvelles technologies, le résultat du petit artisan nous apparaît en contrepoint. C'est un portrait en mode Hergé (et pour cause, c'est lui qui dessine). Le miroir de Jamie Bell (interprète du héros) n'est autre que le souvenir universel de la vraie figure du reporter. Avec ce jeu de miroir déformant, Spielberg accroche tout de suite. Il pose en cinq minutes toute son intrigue et caractérise ses personnages avec une subtilité que l'on avait pas vu chez lui depuis Minority Report. Encore quelques affiches graphiques époque Hergé, quelques tableaux rappelant ses exploits et Tintin version 2011 peut vraiment prendre ses aises. Le prétendu manque de charisme du personnage est estompé par des plans en vue subjective, comme pour se fondre universellement au spectateur. De là peut alors commencer le grand ballet burlesque.

 

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Boire et déboires

 

A l'instar d'un Blake Edward survolté, les envolées dramatiques trouvent un réceptacle par le pan du comique. L'aventure elle-même se fond dans la drôlerie. Ainsi, quand Haddock meurt de soif dans le désert, ses visions au départ amusantes font ressortir les souvenirs de son illustre ancêtre. L'alcoolisme du capitaine, clé de voûte du film, rappelle là encore le grand Blake. Les affres de l’ivresse dynamisent le rythme mais aggravent aussi la figure d'Haddock. Cet alcool est tellement un moteur de l'intrigue qu'il permet de redémarrer un moteur d'avion par un rot improbable. L'humour poussé va faire de Milou une sorte de second héros. Il agissait souvent comme tel chez Hergé (il récupère le spectre d'Ottokar) sauf que là, il sert de prolongement physique à Tintin. Les Dupontd ont aussi droit à leur minute de gloire quand ils pourchassent un pickpocket jusqu'à chez lui. Le travail des dialogues est poussé à l'extrême mais au service de l'aventure. De chacun des éléments comiques naît l'épique.

 

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Si l'on excepte un combat final avec grues ridicule, Spielberg a minutieusement étudié le seuil de saturation du plausible. La résistance extrême de ses figures de fiction permet de garder quelque chose de surréaliste fidèle à l'esprit d'Hergé. Cela offre deux sommets qui feront date. D'abord, le fameux souvenir d'Haddock de son ancêtre en plein combat contre les pirates. Jamais une séquence d'un des quatre Pirates des caraïbes n'effleure la grandiloquence de ce segment. C'est à la fois brillant formellement et fort sur ce que cela dit de l'honneur. L'effet d'ébriété du capitaine coïncide avec le caractère désinhibé de la mise en scène. Plus tard, une course-poursuite en side-car sert d'apothéose au film. Dans un long-shot de plus de cinq minutes, l'étalage technique (un peu m'as-tu vu, il faut l'avouer) démontre l’intérêt de la performance capture. Les barrières physiques s'estompent tout en gardant un prisme réaliste des mouvements humains. A ce propos, la technologie, jusque là très perfectible, a fait un vrai saut en avant. Hormis Castafiore et quelques petits rôles, les rendus graphiques sont tous convaincants.

 

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Et quand bien même les effets numériques renvoient trop à leur condition de fausseté (type jeu vidéo), Spielberg désamorce par de l'humour. Ainsi, la fin de la grande course poursuite voit un tank déplacer une devanture d’hôtel. Son caractère loufoque évoque l'absurdité de l'éléphant dansThe Party. On ne tique pas non plus sur Haddock avec un Bazooka car c'est un pur gag de burlesque. Les filiations évidentes avecIndiana Jones sont moins flatteuses. Elles révèlent quelques faiblesses de scénario. Le bricolage entre les albums ne fonctionne pas entièrement et la figure tutélaire d'Harisson Ford pèse comme l'orage gronde au dessus du désert. Il manque aussi quelques émotions douces (tendresse, tristesse ) pour vraiment emporter l’adhésion. Encore que, dans un final fort symbolique, Haddock renoue avec la fierté ancestrale pendant que Tintin fouille encore, modelé par sa curiosité naturelle. Un bel instant, échappé d'une case qu'on avait raté.

 

La capacité à rebondir de Tintin est commune à celle de Spielberg. Ce dernier conçoit la performance capture comme un dépassement de ce qui limitait la BD. A savoir qu'il n'y a plus de case, plus de bulle, plus de page à tourner. Les traits blancs entre les images laissent place à une fluidité où le regard se miroite dans les juxtapositions de points de vue. Tintin ne s'est jamais senti obligé de se grimer outre mesure pour se fondre aux populations locales. Il ne fait qu'apporter son regard neuf et curieux. Steven 'Tintin' Spielberg est pareil. Il apporte juste sa fraîcheur de grand enfant d'Hollywood sans dénaturer l'esprit si cher au cœur de millions de fans parfois psycho-rigides.

 

Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne, de Steven Spielberg, avec Jamie Bell, Andie Serkis, Daniel Craig (U.S.A., N.-Z., 1h47, 2011)

 

La bande-annonce de Tintin : le secret de la licorne :

 

 

 

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23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 14:21

Infectés

 

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L'épidémie se propage et l'Homme la subit tout autant qu'il se réorganise. Le programme de Contagion ne révolutionne rien mais promet une belle angoisse pour les hypocondriaques.

 

La première scène montre un processus déjà en cours. « Jours 2 » précise le sous-titre. Beth (Gwyneth Paltrow), fiévreuse, traîne à la terrasse d'un aéroport avant de rentrer chez elle. Très vite, une pandémie contamine des millions de gens. Le montage cloue le spectateur sur son siège en faisant subir la panique au même titre que les personnages. Les dialogues de la scène suivante mordent constamment sur la séquence en cours. Une façon d'imposer le timing comme la pandémie dicte sa loi. Malgré un rythme un peu faiblard, Contagion parvient paradoxalement à donner une impression d'urgence constante. Rares sont les moments de souffle non contaminés. Il n'y a qu'à travers Matt Damon en père de famille que la vie reprend le dessus. Cet acteur est décidément l'un des plus talentueux de sa génération.Il incarne un monsieur tout le monde toujours crédible.

 

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Pour le reste, l'intrigue bien trop éclatée empêche une totale adhésion. Marion Cotillard a un rôle passionnant mais disparaît sous la masse. Laurence Fishburne et Kate Winslet s'en tirent mieux. Le problème vient surtout du personnage de Jude Law, blogueur d'investigation qui tente de prouver les mensonges sanitaires des puissants. C'est assez confus donc malhabile. Reste le traumatisme H1N1. Contagion soulève la question essentielle de la confiance des populations envers les autorités sanitaires. Le constat éloquent tend à démontrer par le biais d'images catastrophes que l'Homme se détruit surtout lui-même. Un peu comme dans Titanic où l'on voyait comment les classes sociales reprenaient le dessus une fois l'effet de panique passé, ici la pandémie met en exergue l’instinct vorace de l'humain. Il défie la confiance d'en haut en pillant et kidnappant. De leurs côtés, les puissants réorganisent leur stratégie de maîtrise du pouvoir. Les occidentaux sont soignés en priorité et la thématique Nord-Sud devient sous-jacente.

 

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Ainsi, les hongkongais prennent mal les suspicions américaines du foyer pandémique chez eux. Le bras de fer entre pauvres et puissants opère le point de bascule pour le personnage de Laurence Fishburne. Devant la surabondance d'explications scientifiques, pas évident de démêler la bonne foi du calcul. Reste des scènes très belles, comme quand une chercheuse teste le vaccin sur elle. Un acte qui fait suite à un primate résistant au virus. On repense à la Planète des Singes sorti cet été. La filiation, ou plutôt le retour aux sources, opérée par ces deux films convoque ce qu'il y a de meilleur dans l'instinct. Le nôtre rend suspect le moindre toussotement dans la salle. Sans faire monter la fièvre, Contagion peut traumatiser suffisamment les hypocondriaques. Les résolutions n'ont rien de si rassurantes. Les cheminements de la vie sont fragiles. D'autant plus qu'ils sont illustrés artificiellement.

 

Contagion, de Steven Soderbergh, avec Marion Cotillard, Matt Damon, Laurence Fishburne (U.S.A., Emi., 1h46, 2011)

 

Sortie le 2 novembre

 

La bande-annonce de Contagion :

 

 

 

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22 octobre 2011 6 22 /10 /octobre /2011 16:09

Recette avariée

 

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La déception est de mise devant l'échec de Poulet aux prunes, film en trompe-l’œil à l'esthétisme en toc. Aucune vie n'a le temps d'éclore.

 

S'interroger sur la confusion entre décor et décorum devient vital à la vision de nouveau film de Marjane Satrapi. Les artefacts choyés du style de la franco-iranienne bavent goulûment sur les caractérisations de ses personnages. En adaptant sa bande-dessinée Poulet aux prunes, la réalisatrice de l'excellent Persepolis galvaude la beauté de l'artifice en le transformant en carcan esthétisant. L'Iran représentée du film est une recréation de studio. Les personnages parlent en français au même titre qu'un film américain traduit une histoire dans la langue de Shakespeare. Cela n'aurait rien de choquant si en cours de route Satrapi ne s'amusait pas à travestir tous les éléments de la reconstitution à l'écran. Le Téhéran des années 50 ressemble à la France vieillotte d'un Jeunet sans en agrémenter de ses épices propres. Les repères temporels sont brouillés. Les fonds verts et les éléments cartoons questionnent sur l'utilité du film live.

 

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Et c'est là que le décor se fait décorum. Les personnages ne sont astreints que par une étiquette lourdement mise en image. En clair, Jamel Debbouze abandonne son marché d'Amélie Poulain pour se cloîtrer dans un magasin de vendeur de poudre de perlimpinpin. Le lieu définit le personnage et pas l'inverse. Ainsi, aucune vie ne ressort de la performance de l'acteur. Debbouze sera le petit arnaqueur des bas-fonds de l'Iran. Le problème, c'est que cette même étiquette colle aux « héros » d'une aventure mortifère. Soit Nasser-Ali, violoniste virtuose qui décide de mourir car ayant eu son instrument détruit. Poulet aux prunes, par une juxtaposition de flashback et de flashforward, offre à découvrir la vie de cet homme mais aussi celle de ses enfants plus tard. Encore que le terme de « vie » ne sied guère. Une vignette de l'évolution des enfants donne un caractère déterministe à la moindre décision du père. Ainsi, le suicide de Nasser-Ali créera un fils à ses antipodes, vaguement marqué par le souvenir d'un paternel assez idéalisé pour appeler son môme pareil.

 

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Le décorum peut aussi définir la bienséance de la société. A cet égard, Poulet aux prunes peut faire illusion un temps en se disant que l'esprit rebelle qu'insuffle Satrapi a pour but de montrer un peuple perse moins traditionaliste que la caricature médiatique. Sauf que cet esprit rebelle n'a rien de vrai. Vouloir se laisser mourir ne fait qu'attirer un démon de la mort, Azraël, dont la figure traditionaliste entre parfaitement dans la bienséance. C'est ce trompe-l’œil qui agace. Le film peut jouer la carte du conte perse, mais le marchand de carpette nous le vend comme un tapis volant. Du coup, la guimauve visuelle empèse le récit d'une couche de vernis. Tout y est kitch jusqu'à l'excès. Les effets comiques superfétatoires ne sont là que pour distancier les affects de Satrapi pour son pré-carré chéri : la BD. Le temps de quelques envolées proches de Michel Ocelot, le film trouve un peu de souffle. Celui de la vie dans lequel Nasser-Ali trouve la force.

 

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Film sur la perte de ce sentiment, Poulet aux prunes se contente de chroniquer en patchwork quelques soubresauts. Il n'y a aucune vie qui se développe. Le récit s'empresse de passer d'un instant à un autre, sans que le montage ne donne une saveur bressonienne à l'anodin. Le présent n'existe pas, tout doit devenir extraordinaire donc décalé dans le temps. Le quotidien effraie, le banal aussi. Jusqu'à créer de la fumée de cigarette post-produite en métaphore de l'âme maternelle. Un beau miroir de l'état réel du film, sans âme, fétichisé par l’esthétique de foire à l'excès. La rencontre du cartoon et du filmage physique ne fonctionne pas. À l'heure où Hollywood expérimente la performance capture afin d'effacer la frontière entre le numérique et le réel, Satrapi et son acolyte Paronnaud font le pari inverse. Le méli-mélo doit bien distancier la part émotive de l'esthétique (les flocons de neige, les ombres portées et la musique langoureuse) de l'aspect farce du jeu physique. Les acteurs ont l'air absent, engoncés dans des personnages aussi déguisés que dans le jeu Qui est-ce ? Alors lui porte une moustache, elle une coupe au carré et l'autre là-bas est tout de noir vêtu. Cet équilibre de la vacuité fait complètement passer à côté d'une histoire d'amour comprenant Nasser-Ali, sa femme et son âme sœur perdu. Il rate aussi le lien passionnant qui unit un musicien à son instrument. Le violon lui aussi se fond dans le décorum.

 

Poulet aux prunes, de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, avec Mathieu Amalric, Edouard Baer, Maria de Mereidos (Fra., Bel., All., 1h33, 2011)

 

Sortie le 26 octobre

 

La bande-annonce de Poulet aux prunes :

 

 

 

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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 11:57

Un fauteuil pour deux

 

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Les bonnes comédies françaises se font rares. Intouchables tient le pari sur un sujet pourtant casse-gueule : la rencontre entre un jeune de banlieue et un aristocrate paraplégique.

 

Il y avait tout à craindre du projet Intouchables. Driss est un jeune homme de banlieue en réinsertion. Il se voit confié la tâche de devenir l'aide de vie de Philippe, paraplégique après un accident de parapente. Deux raisons à ces craintes : d'abord, c'est adapté de faits réels, ensuite parce que la rencontre de deux mondes est la porte ouverte à tous les clichés. C'était sans compter sur le sérieux du duo Toledano/ Nakache, honnêtes réalisateurs de comédies (Nos jours heureux, Tous ensemble). Le soucis du détail permet à la comédie de ne pas se déliter au premier coup de vent. Un peu comme le mental de Philippe, Intouchables est un roseau. Il plie sous le coup de ses faiblesses mais ne rompt jamais pour rester en vie.

 

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Si l'on excepte quelques passages trop écrits, la précision des dialogues offrent à Omar Sy son plus beau rôle sur grand écran. Il porte en lui le vrai visage de la banlieue : une souffrance souterraine façonnée par le quotidien. Comme pour sa mère qui rentre la nuit de journées de travail harassantes. S'expose en face un monde de feuille d'or et de musique raffinée, souvent cloîtrés dans ses préjugés coincés du cul. Il y a dans ce discret portrait d'une même France un constat lucide mais jamais juge. La classe moyenne n'existe pas vraiment. Seuls vivent les pauvres et les riches à l'image. Un choix assez en accord avec la société d'aujourd'hui où les écarts de richesses se creusent, où la ségrégation sociale grignote du terrain. Car si l'histoire vraie date de quinze ans, le film la réactualise en 2011. Sans jamais être un grand discours, Intouchables gagne en crédibilité.

 

Et l'humour dans tout ça ? Génial. Driss ne se prive pas de blaguer sur le handicap de son employé et ami. C'est ce qui plaît à ce dernier. « Il n'a aucune pitié » prévient un proche. « C'est ce qui me plaît » rétorque Philippe. Peu de bons sentiments nianians, juste une belle rencontre. Ainsi, Driss sème les flics en voiture pour redonner un peu de sensations extrêmes à l'homme en fauteuil. Quand le jeune homme se retrouve à l'opéra, c'est un grand moment de drôlerie. Pareil quand ils se font découvrir leurs univers musicaux. Là où le duo Omar Sy/ François Cluzet est formidable, c'est qu'il ne joue pas la carte du conflit. Les proches freinent l'élan mais c'est le shoot de bonne humeur qui l'emporte.

 

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Copains comme cochon, Philippe et Driss symbolisent ce que Ségolène Royal appelait un peu bêtement « fra-ter-ni-té ». Un mot ridiculisé mais très fort dans les actes. Driss redonne l'envie de séduire à son ami. L'un et l'autre s'émancipent de leur handicap physique ou social avec une légèreté comme rarement on en voit. Les quelques éraflures de style ne gâchent pas vraiment cette comédie populaire qui ose tout dans l'humour sans tomber dans le mauvais goût. Si Omar Sy trouve là un rôle écrit sur mesure, il ne faut pas oublier de louer le jeu de Cluzet. Il aurait pu plomber le film avec une tête d'enterrement ou le rendre irritable en cabotinant. C'était sans compter sur l'ancien protégé de Chabrol, toujours aussi subtil, même privé de sa liberté de mouvement. Le regard et les non-dits deviennent plus forts que de la paraphrase. Et c'est peut-être là, la plus grande réussite d'Intouchables.

 

Intouchables, d'Eric Toledano et Olivier Nakache, avec Omar Sy, François Cluzet, Anne le Ny (Fra., 1h52, 2011)

 

Sortie le 2 novembre

 

La bande-annonce d'Intouchables :

 

 

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 12:20

Être le premier dans son village

 

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Le quatrième film de Clooney réalisateur se penche sur les coulisses de primaires démocrates aux U.S.A. La fiction est tellement bien documentée qu'elle en dégoûte presque de la politique. Malin mais pas populiste.

 

Le film commence avec un Ryan Gosling feignant un discours de meeting. Le ton sûr de ses propos dérive vite vers une absurdité légère. En réalité, il joue le conseiller de campagne du candidat démocrate Morris et teste le son du micro. Clooney met tout de suite en avant cette farce énorme qu'est la politique de spectacle. Peu importe les mots, il suffit presque d'y mettre l'envie. Cette scène d'ouverture illustre d'ores-et-déjà la solitude constante du jeune Stephen Meyers/ Ryan Gosling. L'imperturbable gamin de Drive se libère de sa carapace. Il va en avoir besoin. Seul sur la scène, il se met au service des techniciens, de son candidat et du chef de campagne (Philip Seymour Hoffman). Les marches du pouvoir relate les conflits de personnalités au sein d'un même camp. La lutte ne se fait pas tant sur les idées que sur la stratégie.

 

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Le sujet apparaît un peu étonnant venant de la part de Clooney. Son envie de parler du pouvoir dans ses réalisations (Good Night and Good Luck) comme dans ses productions (Syriana) avait pour but de tacler l'administration Bush. Or là, l'ancien fervent supporter d'Obama a l'air écœuré. Et comme il n'est pas lâche, il se met en scène dans le rôle du candidat. Une sorte de faux-grand seigneur, captivé avant tout par la réussite. Sa douceur d'oisillon cache en réalité un vrai piranha. Or, le film ne le montre jamais frontalement- sauf une scène. Tout ou presque se fait par échanges téléphoniques et discutions à l'ombre des projecteurs. Comme dans cette scène où Gosling révèle à son mentor que l'adversaire a essayé de le récupérer pour sa campagne. Ils sont cachés derrière un grand drapeau américain. Leur échange est étouffé par le discours de Morris sur scène. Mais c'est bien entre eux que se joue l'avenir du scrutin, pas devant les électeurs.

 

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Le travail de Clooney cinéaste n'a rien d'anecdotique. Il exploite magnifiquement les capacités de cadre. Rien n'est superflu, rien n'est abscons. Un travelling révèle les prompteurs et la famille en coulisse, un contre-champ ramène un personnage dominant au statut de dominé. Hoffman et Giamatti, parfois abusifs dans leur jeu, trouvent la gestuelle parfaite de politiciens malicieux. Ces deux comédiens se ressemblent d'une certaine manière. Ils n'insufflent aucune confiance avec leurs mines patibulaires. Le film utilise aussi la figure féminine d'Evan Rachel Wood en montrant le petit personnel mis à mal. Indice évocateur de l'ambiance malsaine : le titre original The ilde of March. Il vient d'un oracle shakespearien qui prévient Jules César qu'il sera assassiné. La violence, au moins morale, de la quête du pouvoir a aussi à voir avec ce genre de trahisons tragiques.

 

Les marches du pouvoir, de George Clooney, avec lui-même, Ryan Gosling, Philip Seymour Hoffman (U.S.A., 1h35, 2011)

 

Sortie le 26 octobre

 

La bande-annonce de Les Marches du pouvoir :

 

 

 

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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 18:33

Plaidoyer kanak

 

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Illustration des revendications indépendantistes kanaks, L'ordre et la morale est un beau film sur la frustration de ne pas tout voir ou sentir. Perméable par définition mais extrêmement fort politiquement.

 

Devant l'ethnocentrisme naturel d'un métropolitain de France, Mathieu Kassovitz vient titiller les consciences. Moins d'un an avant l’élection présidentielle de 2012, L'ordre et la morale rappelle à quel point les coulisses du pouvoir peuvent avoir des répercutions dramatiques. 2011 est décidément une grande année cinéma sur le monde des dirigeants. De Pater à l'Exercice de l’État, sans oublier le prochain George Clooney (Les marches du pouvoir), le vase clos des bureaux vient influer sur le terrain. L'ordre et la morale déterre pour cela une sombre affaire de 1988. A la vieille du duel Mitterrand/ Chirac, une prise d'otage survient en Nouvelle-Calédonie. Quelques indépendantistes kanaks ont pris d'assaut un commissariat, événement qui tourne au drame. Alors que dans le même temps l’État français cherche à faire libérer des otages au Liban, les inflexions de la droite et la gauche détruisent le travail de terrain des membres du GIGN à Ouvéa.

 

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Kassovitz, au four et au moulin, prend à bras le corps le rôle principal : Philippe Legorjus, capitaine du GIGN. Pas assez neutre pour en faire un bon document d'analyse, L'ordre et la morale lui préfère le plaidoyer. Le réalisateur de La Haine y impose encore son goût pour la prise de position franche. Le point de vue adopté est pleinement celui de Legorjus. Du coup, Kassovitz prend toute la place, écrase un peu les autres rôles. Un soucis qui accentue les approximations de jeu des soldats et des locaux. Un défaut en partie explicable par l'amateurisme de ces derniers. Certains kanaks sur le tournage incarnent leur père ou grand-père impliqués dans la prise d'otage. Une perméabilité instructive. L'espèce de dénonciation frontale se retrouve alors doublée d'un attachement moral fort. Kassovitz prend soin de ne pas réduire ces personnages à de simples caricatures. Un constat moins valable pour les bureaucrates. Ils ne s'incarnent pas à cause de leur absence physique sur le terrain. En cela, ils sont des fantômes décisionnaires, toujours filmés dans le carcan d'un mobilier cynique.

 

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C'est bien cette prise de position qui rend L'ordre et la morale captivant durant près de 2h20. Ne jamais se détacher de la position de Legorjus implique des partis pris de scénarisation. Ainsi, l'assaut final se découpe en deux actes. Un premier au cœur du combat, où Legorjus dirige ses troupes. C'est le seul véritable instant de film de guerre. La suite des opérations va mener le capitaine du GIGN à s'absenter. Du coup, on ne saura rien du déroulement des combats. L'ordre et la morale travaille un peu cette notion de frustration. Celle de ne pas tout voir du drame qui se dessine. Les œillères du capitaine deviennent celles du spectateur. Dommage que le film avance avec ses gros sabots. Le goulet d'étranglement prend forme d'autant plus visiblement qu'on découvre dès l'ouverture le dénouement des événements.

 

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Mais pourquoi pas, après tout, il est souhaitable d'avoir déjà entendu parler de ces événements en amont. Reste qu'en face, l'homologue kanak, Alphonse Dianou, n'insuffle pas assez le vent de la liberté. Kassovitz a beau convoquer quelques références (trop) voyantes du type Apocalyspe Now ou La ligne rouge, il se frotte aux modèles. La mise en scène propre et sommaire atténue l’envie d'espace. Cela se justifie dans la forêt quand il y a prise d'otage. On la comprend moins dans les recherches minutieuses sur l’île d'Ouvéa. Quelques scènes, dont un plan séquence d'attaque de gendarmerie, montrent plus franchement le potentiel qu'avait le film pour devenir une grande aventure politique. L'emphase sonore fait de « boom » incessants vient aussi ternir un travail malgré tout réussi. Œuvre pessimiste qui cherche une caution humaine, L'ordre et la morale marque du même temps le retour d'un enfant terrible du cinéma. Bien loin de l'égarement américain de Babylon A.D. et Gothika.

 

L'Ordre et la morale, de Mathieu Kassovitz, avec lui-même, Iabe Lapacas, Malick Zidi (Fra., 2h16, 2011)

 

Sortie le 16 novembre

 

La bande-annonce de l'Ordre et la morale :

 

 

 

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 19:27

Tartignole

 

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Unique cohérence thématique de cette Couleur des Sentiments : la laideur de mauvais goût, aussi bien dans les cadres, les lumières, les caractérisations des personnages que la bande-son.

 

La dernière fois qu'un film avait un temps soit peu exploré l'univers des noirs américains de la moitié du XXème siècle, c'était dans Benjamin Button. Le premier segment du Fincher illustrait un environnement où la citoyenneté ne voulait pas encore dire égalité. Avec son pitch un brin populiste, La couleur des sentiments se penche sur les bonnes noires des années 60 : des femmes exploitées en tant que domestique par de riches blancs de banlieues pavillonnaires modernisant ainsi l'exploitation humaine. Il y a du vrai évidemment dans les errances racistes d'une société à l'aube de Martin Luther King. Mais la façon dont l'héroïne, Steeker, se penche sur ces femmes a quelque chose d'hypocrite. Il faut que ça soit par le biais de cette apprentie écrivain que la situation noire soit traitée.

 

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Or, la vision reste très WASP progressiste. Steeker est une femme courageuse (elle s'occupe de sa mère), travailleuse par passion et surtout talentueuse. Elle projette d'écrire un recueil de témoignages de ces femmes de l'ombre. De nature tolérante, sa démarche fait la lumière sur une exploitation d'un autre âge. Sauf que le film ne l'illustre que très maladroitement. Il n'y a guère de parti pris, ou alors mollement. Une chronique de 2h20 a pour devoir d'en dire plus que de suivre une myriade de destins inégalement captivants. L'aspect film chorale éparpille un ensemble déjà peu harmonieux. Mis à part Jessica Chastain parfaite en nunuche de grand luxe, les autres personnages blancs sont des monolithes caricaturaux. La communauté de domestiques trouve un peu plus d'épaisseur grâce à l'aspect gospel de leur union.

 

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Sauf que la Couleur des (bons)sentiments serait un gospel mal chanté, moche en tout point. Déjà par sa mise en musique, sans ampleur. Les sons ne communiquent jamais, rien n'est surmixé pour s'imprégner de l'univers décrit. La photographie en toc est hideuse et colle bien aux choucroutes capillaires. Les costumes font trop propres. Rien ne semble réel. Emma Stone, visiblement à l'aise dans cet océan de mauvais goût visuel, surjoue en permanence de ses mimiques tantôt mimis, tantôt irritantes. Le film a beau beaucoup parler de cuisine, on ne sent ni farine ni épice. Tout juste un peu de meringue fade. Avec une recette pareille, pas évident de tenir en appétit avec une histoire où l'émotion n'arrive jamais, alors que précisément elle devrait être centrale.

 

La couleur des sentiments, de Tate Taylor, avec Jessica Chastain, Viola Davis, Emma Stone (U.S.A., 2h20, 2011)

 

Sortie le 26 octobre

 

La bande-annonce de La couleur des sentiments :

 

 

 

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7 octobre 2011 5 07 /10 /octobre /2011 20:09

Les vacances des gens heureux

 

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Le film de vacance le plus jovial depuis longtemps nous vient Julie Delpy, pile electrique du cinéma français. Born to be alive.

 

Ça faisait longtemps qu'un film français populaire n'avait pas été aussi malin. Guère étonnant que Julie Delpy en soit l'instigatrice, elle qui avait largement montré son talent dans 2 Days in Paris. Aux sons de la balade des gens heureux et de Born to be Alive, Delpy y raconte ses souvenirs d'enfance quand, avec ses parents, elle allait voir toute la fratrie bouffer, boire, s’engueuler, s'aimer. Bref vivre. Le grand talent de la plus new-yorkaise des françaises est de s'attacher au détail. Il y a donc les parents un peu baba, l'oncle ancien para, la grand-mère maligne et tendre, la cousine qu'on jalouse. Excepté un préambule pas franchement utile, le week-end en cette année 79 est un pur régal.

 

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Chaque personnage a droit à son moment de gloire, quitte à étirer un peu les scènes. Un parti pris globalement payant. Les scènes ont le temps de dérouler leurs effets comiques et nostalgiques. Le vieil oncle chantant profite de son public, les enfants se chamaillent avec une vraie liberté, les engueulades politiques trouvent le temps de se déclencher. Et par touches, les sons se croisent. Les conversations hors-sujets débarquent à l'instar des vraies cohues. Ces pré-années 80 font un bien fou. Mais jamais Delpy ne tombe dans le passéisme béat. Elle a conscience que les préoccupations furent les mêmes qu'aujourd'hui. Le couple de soixante-huitards transmet l'idée des rêves perdus. Féminisme et antiracisme accompagnaient une gauche en plein mouvement conquérant, sujet phare d'engueulade entre les « gauchos » et les « fascistes » (dixit les intéressés). Par sa science du dialogue, le Skylab ne vire pas dans la caricature absurde.

 

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Cette famille, c'est un peu la nôtre, à tous. On râle souvent avant un repas interminable mais nous sentons comme protégés une fois à table. Delpy réunit une belle famille du cinéma français, de Bernadette Lafont à Noémie Lvovski en passant par Eric Elmosnino. Comment ne pas craquer pour le vieux tonton Hubert, être hagard et un peu seul ? Et puis il y a Vincent Lacoste, éternelle star des Beaux Gosses. Il incarne l'adolescent type. Pas un sketch ambulant à la Elie Semoun. Au contraire, il semble très vrai avec ses attitudes de boutonneux un peu chiant. Lacoste ne joue pas, il s’imprègne de l'essence même de l'entre deux âges. Le regard très humain de Delpy rend son Skylab attachant. Son titre, hommage au satellite qui tombe sur Terre ce week-end là, sonne comme le symbole d'un monde toujours incertain du lendemain mais prêt à croquer la vie à pleine dent. Et ça au cinéma, c'est rare.

 

Le Skylab, de Julie Delpy, avec elle-même, Eric Elmosnino, Lou Alvarez (Fra., 1h53, 2011)

 

La bande-annonce de Le Skylab :

 

 

 

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 20:49

Les arcanes du pouvoir

 

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Les coulisses de la politique n'ont rien de bien enviables. C'est en tout cas ce que dissèque Pierre Schoeller avec une emphase qui colle bien au sujet. Mais c'est aussi sa limite.

 

Dès le début, il demeure une étrangeté malsaine dans L'exercice de l'état. Une femme nue entre dans le gueule d'un croco. Rêverie érotique sans équivoque pour le ministre des transports du film, Bertrand St-Jean, dont l'érection a plus d'un sens. Ce qui excite l'Homme politique, c'est cette façon de dévorer goulûment les corps décharnés pour mieux atteindre sa cible. Tout le travail de sape de L'exercice de l’État s'applique à construire une sorte d'argumentaire très concret d'un système à bout de souffle. Schoeller n'a pas la finesse d'un Alain Cavalier dont son Pater disait tant sur le/la politique sans avoir l'air d'y toucher. L'exercice de l’État a un côté académique. Le genre de travail avec un attirail de captation lourd. Un peu comme la bureaucratie sclérosée dans ses contradictions.

 

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Pas de place pour l'anti-système. Entre les lignes, on comprend même que les simili-Le Pen et autres grandes gueules seraient enfermées dans les mêmes considérations de calculs. L'exemple Mitterrand fait jurisprudence. Les idéaux n'ont pas leur place. Ici St-Jean abandonne son auréole de personne venue du civil pour se fondre mieux que quiconque dans les arcanes du monde politique. A ce titre, le personnage de conseiller joué par Michel Blanc est tout à fait fascinant. La figure de haut-fonctionnaire pérennise un fonctionnement coupé des réalités du peuple. Sans jouer à la démagogie de bas-étage, il y a comme une envie de crier au « tous pourris » en voyant tout ça. Schoeller met en place une mise en scène au ton sur ton, où aucun costard ne dépasse, où la communication se fait par écrans interposés ou par téléphone.

 

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Bien plus abouti que l'arnaqueLa conquête, il manque tout de même au film l’espèce de détachement espiègle qu'avait le duo Cavalier/Lindon. Quelques longueurs, des affectes dans les situations et les passages fantasmés font perdre de la puissance au sujet. Reste le geste et le verbe. Olivier Gourmet porte la carrure politique, prêt à devenir un carriériste accompli. Les amitiés sont fragiles. Le travail d'un ministère ne porte que sur quelques réformes symboliques, rarement idéologiques. Et si idéologie il y a, elle sera broyée, malaxée jusqu'à étouffement par les lobbys et les manœuvres en tout genre. Voir l'Exercice de l’État, c'est un peu perdre espoir en notre modèle démocratique. Schoeller n'y voit aucune embellie. Pas évident d'en ressortir le moral au beau fixe. Pas évident aussi de trouver que ce film fasse avancer les choses. Il pose juste un constat fataliste.

 

L’exercice de l’État, de Pierre Schoeller, avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman (Fra., 1h52, 2011)

 

Sortie le 26 octobre

 

La bande-annonce de L'exercice de l’État :

 

 

 

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