Esclavage et grand capital
Tentative très louable de rapprocher l'exploitation constante des indiens américains entre l'époque de la colonisation et les grands capitaux mondiaux. Sauf que le film se disperse et ne va guère au delà des clichés. Tant pis.
Dans la famille des films prolétaires, un scénariste remporte tous les suffrages. Il s'agit de Paul Laverty, nom indissociable de Ken Loach (Sweet Sixteen, Le vent se lève). Mais Laverty ne se limite pas à cette collaboration. En 2005, il s'occupe de Cargo de Clive Gordon et se met en 2010 au service d'Icíar Bollaín pour ce Même la pluie. La trajectoire des deux personnes permet déjà de capter le sujet social de Même la pluie. Le scénariste, né en Inde, fit surtout de l'humanitaire en Amérique Centrale. De son côté l'actrice-réalisatrice Bollaín se forge un nom en Espagne. Récompensée aux Goyas (les César espagnols), elle collabore régulièrement avec un excellent acteur : Luis Tosar (Cellule 211, Miami Vice).
En découle une lutte sociale en Bolivie où une ville se révolte contre la privatisation de l'eau. Mais plutôt que d'aborder le sujet de front, d'en assumer toues les difficultés sociétales, le duo préfère y intégrer une forme de poésie cinématographique. Même la pluie est une mise en abime. Celle de Sebastian (Gael Garcia Bernal), réalisateur enthousiaste, venu filmer la vie de Las VacasCasas à moindre cout. Il engage des habitant slocaux pour jouer les figurants. Un début bien mené laisse alors présager d'une franche réussite. Surtout que l'envers du décors décrit trouve un ton juste. Au début en tout cas.
Les minutes s'égrènement et Même la pluie perd le fil. Il alterne maladroitement le parallèle entre l'esclavagisme des peuplades indiennes et l'esclavagisme contemporain dû aux grands capitaux. La lutte armée passe trop au second plan, les enjeux ne sont pas assez pesés (sauf de dire que le peuple est toujours le dindon de la farce) et les scènes issues du tournages troublent au lieu d'éclairer. L'ambiance du film de Sebastian fait pourtant penser à du Herzog ou à Cabeza de Vaca, sans la perfection esthétique qui l'accompagne.
La vraie bonne idée du film est de choisir comme héros non pas le réalisateur ni le figurant rebelle de l'histoire mais l'assistant-réalisateur. Luis Tosar, bien qu'ayant une trajectoire un peu caricaturale, parvient à exprimer les hésitations d'un assistant. Son but est de tout faire pour mener à bien la production en satisfaisant les producteurs, le réalisateur et ses potentiels caprices et en gardant un ancrage social. Un boulot de l'ombre trop peu souvent souligné. L'assistant-réalisateur est celui qui se confronte au réel, le transforme en rêve outrepassant les embuches. A côté de cela, les partitions des autres acteurs du film peinent à sortir des archétypes que l'on peut aussi reprocher à Ken Loach. Tout cela pour une morale trop convenue qui dit que la dignité humaine vaut bien plus que la réalisation d'un long-métrage. Un plaidoyer humain un peu simple quand on voit le potentiel des degrés de lectures.
Même la pluie, de Icíar Bollaín, avec Luis Tosar, Gael Garcia Bernal, Juan Carlos Aduviri (esp., 1h44, 2011)
Sortie le 5 janvier 2011
La bande-annonce de Même la pluie :