la nuit hong-kongaise
Ne pas trop aimer un réalisateur reconnu unanimement, un point de vue toujours délicat à exprimer. Wong Kar Waï en fait précisément parti. Chungking Express a pourtant pleins de qualités pour lui. Sauf ses récits.
Film véritablement mythique, Chungking Express a véritablement fait entré Wong Kar Waï parmi les chouchous du public européen. Avant In The Mood For Love, son quatrième film fut tourné en parallèle des Cendres du temps. Malgré une certaine économie de moyen, tout est donc là pour plaire. Du moins en théorie. Ça n'est plus un secret, Wong Kar Waï est un grand esthète, qui sait utiliser sa caméra pour sublimer une situation banale. L'utilisation de la nuit quasi constamment ouate déjà l'ambiance.
Courte ou longue focale, petit coup de caméra penchée, jeux de flous et saccade de l'image, tout l'éventail y passe pour accompagner la fureur des sirènes et les cris. Une longue nuit à n'en plus finir où deux âmes masculines se morfondent dans leur errances solitaires. Deux testostérone sensibles, des flics qui plus est. Le matricule 223 surtout, lâché par sa copine, se promettant d'aimer la première femme qui entrera dans son bar favori. Pas de chance, c'est une hors la loi. Puis, on se penche sur le matricule 633, alias l'immense Tony Leung, dont l'amour ne cesse de lui échapper. Deux histoires à priori sans lien. En fait, leurs symboliques se complètent. Leur non-sens aussi.
Le bon goût voudrait
Car si Wong Kar Waï n'a pas encore viré dans la complainte soporifique de In the mood for love, Chungking Express ne séduit presque que par sa perfection plastique (merci Chistopher Doyle, son chef opérateur). La récurrence du California Dreaming comme pour surappuyer- rabâcher même – les éternels désirs insatisfaits d'âmes errantes n'ayant rien à se reprocher peut, au choix, envouter comme jamais, ou complétement laisser sur le bord de la route. Heureusement que la musique est sublime. Comme presque toujours dans les B..O du hong-kongais. A ceci près que le coup du jazz digne d'un téléfilm érotique pour la séance de drague burlesque dans le bar fait un peu tâche.
Il est tellement de bon goût de crier amen au cinéma du hong-kongais. Et les arguments sont valables. L'identification potentielle en ces histoires d'amours, ces romances acidulées ont de quoi séduire. On peut aussi grimacer et dire non à ce bon goût. Simplement par une forme de récit pâteuse et frôlant constamment la crise de foi. Parce que les salades (dans tous les sens du termes) vendues par Faye n'en finissent plus d'être déglutie sur la pellicule. Mais aussi parce que l'accent social est inexistant (malgré ce sujet fort sur les indiens), qu'on ne sait jamais si Hong-Kong nous est montré sous un jour- enfin une nuit- un minimum réaliste et surtout parce que les paroles autres que les explications en voix off du sentiment sont trop peu nombreux. Des voix off de trop qui permettent juste au public de ne pas décrocher, les sentiments étant étouffés par ce trop plein d'images superbes. Évidemment que tout cela ne fait pas de Chungking Express un mauvais film, mais il est la preuve que le bon goût général a ses raisons de ne pas forcément être suivi.
Chungking Express, de Wong Kar Waï, avec Takeshi Kaneshiro, Tony Leung, Chiu Wai, Brigitte Lin (HK, 1h42, 1994)
La bande-annonce de Chungking Express :