Loup, y es-tu ?
A travers la réinterprétation du célèbre conte de Perrault, la réalisatrice soit-disant spécialiste de l'adolescence illustre bien une société en crise : Celle du retour des valeurs traditionnelles et du replis autarcique.
Pas de bol. Un an après la relecture ratée d'Alice au pays des merveilles par Tim Burton, voilà que Le chaperon rouge se voit sacrifié. Il était de bon ton de se moquer des Frères Grimm de Terry Gilliam. Imparfait, le film avait au moins le mérite de tenter, de jouer malicieux et d'avoir un sacré cinéaste aux commandes. Catherine Hardwicke s'était faite remarquer avec deux films sur l'adolescence (Thirteen et Les Seigneurs de Dogtown) avant d'assurer l'adaptation du premier épisode de Twilight. Autant dire un bel étron puritain. La voir reprendre à son compte la légende du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault était donc aussi intriguant qu'inquiétant. Tel un Petit Poucet en manque de jugeote, Harwicke a oublié de semer les cailloux pour retrouver le chemin du bon goût.
La réalisatrice continue de divaguer dans ses histoires cuculs de jeune fille au cœur partagé entre deux hommes. Ici, le Chaperon Rouge n'a plus grand chose à voir avec la petite fille imprudente du conte. Amanda « grands yeux de biche » Seyfried incarne une version vierge mais coquine du chaperon dans un village perdu où le loup-garou (!) rode. Comme dans Twilight, il est question de choix amoureux entre deux hommes. L'un symbolise la passion, la testostérone et les bêtises de l'enfance, le second incarne l'argent, la gentillesse et le mariage de raison. Pas besoin d'avoir fait des études en psychologie pour voir l'analogie grand méchant loup/ jeune homme désireux de sexe. Le dispositif de la petite communauté ancestrale avait tout pour plaire. Hardwicke pouvait, à travers le conte, passer un message ouvert, un brin ironique sur les croyances religieuses et sur les mariages arrangés. Or, elle s'accommode de ce microcosme pour en diffuser sans grande finesse la même morale mormone que dans la saga de Stephenie Meyer.
A tel point que le cœur de l'intrigue où la menace rode est reléguée au second plan. Une monotonie s'empare du film pour enfiler les clichés du film fantastique à la pelle. Gary Oldman rejoue éternellement le même rôle, toujours moins bien, la belle Seyfried doit en rajouter niveau vierge effarouchée et les références au vrai conte apparaissent maladroitement. Il y a de quoi rager aussi devant la saccage formel d'une œuvre au vrai potentiel. La direction artistique tout comme les travaux sur la lumière gâchent la création artificielle de cette bourgade habitée par la peur. On pense à la réussite indéniable du début du Village de Shyamalan qui parvenait bien mieux à créer un envoutement inquiétant avec la menace à la lisière. Le parti pris de tout faire en studio avait de quoi séduire, rappelant aux bons souvenirs les créations d'antan en osmose avec le côté vieillot de l'histoire. Le chaperon rouge est un essai finalement en phase avec son époque. Il décrypte la peur et le repli sur soi, il illustre le retour en force des morales traditionnelles et des valeurs surannées.
Le chaperon rouge, de Catherine Hardwicke, avec Amanda Seyfried, Garry Oldman, Billy Burke (U.S.A., 1h40, 2011)
Sortie le 20 avril
La bande-annonce de Le Chaperon Rouge :