Infectés
L'épidémie se propage et l'Homme la subit tout autant qu'il se réorganise. Le programme de Contagion ne révolutionne rien mais promet une belle angoisse pour les hypocondriaques.
La première scène montre un processus déjà en cours. « Jours 2 » précise le sous-titre. Beth (Gwyneth Paltrow), fiévreuse, traîne à la terrasse d'un aéroport avant de rentrer chez elle. Très vite, une pandémie contamine des millions de gens. Le montage cloue le spectateur sur son siège en faisant subir la panique au même titre que les personnages. Les dialogues de la scène suivante mordent constamment sur la séquence en cours. Une façon d'imposer le timing comme la pandémie dicte sa loi. Malgré un rythme un peu faiblard, Contagion parvient paradoxalement à donner une impression d'urgence constante. Rares sont les moments de souffle non contaminés. Il n'y a qu'à travers Matt Damon en père de famille que la vie reprend le dessus. Cet acteur est décidément l'un des plus talentueux de sa génération.Il incarne un monsieur tout le monde toujours crédible.
Pour le reste, l'intrigue bien trop éclatée empêche une totale adhésion. Marion Cotillard a un rôle passionnant mais disparaît sous la masse. Laurence Fishburne et Kate Winslet s'en tirent mieux. Le problème vient surtout du personnage de Jude Law, blogueur d'investigation qui tente de prouver les mensonges sanitaires des puissants. C'est assez confus donc malhabile. Reste le traumatisme H1N1. Contagion soulève la question essentielle de la confiance des populations envers les autorités sanitaires. Le constat éloquent tend à démontrer par le biais d'images catastrophes que l'Homme se détruit surtout lui-même. Un peu comme dans Titanic où l'on voyait comment les classes sociales reprenaient le dessus une fois l'effet de panique passé, ici la pandémie met en exergue l’instinct vorace de l'humain. Il défie la confiance d'en haut en pillant et kidnappant. De leurs côtés, les puissants réorganisent leur stratégie de maîtrise du pouvoir. Les occidentaux sont soignés en priorité et la thématique Nord-Sud devient sous-jacente.
Ainsi, les hongkongais prennent mal les suspicions américaines du foyer pandémique chez eux. Le bras de fer entre pauvres et puissants opère le point de bascule pour le personnage de Laurence Fishburne. Devant la surabondance d'explications scientifiques, pas évident de démêler la bonne foi du calcul. Reste des scènes très belles, comme quand une chercheuse teste le vaccin sur elle. Un acte qui fait suite à un primate résistant au virus. On repense à la Planète des Singes sorti cet été. La filiation, ou plutôt le retour aux sources, opérée par ces deux films convoque ce qu'il y a de meilleur dans l'instinct. Le nôtre rend suspect le moindre toussotement dans la salle. Sans faire monter la fièvre, Contagion peut traumatiser suffisamment les hypocondriaques. Les résolutions n'ont rien de si rassurantes. Les cheminements de la vie sont fragiles. D'autant plus qu'ils sont illustrés artificiellement.
Contagion, de Steven Soderbergh, avec Marion Cotillard, Matt Damon, Laurence Fishburne (U.S.A., Emi., 1h46, 2011)
Sortie le 2 novembre
La bande-annonce de Contagion :