Meurtres en eaux troubles
Au milieu d'un dédale d'aquariums, des règlements de comptes sanglants sur fond de critique sociale.
Une nuit pluvieuse comme il en existe tant au Japon sert de préambule au théâtre de petits meurtres entres amis de Cold Fish. Syamoto et sa (nouvelle) femme partent récupérer leur fille dans un centre commerciale. La friponne vole et défie l'autorité parentale. Elle ne s'entend pas avec celle qui est en fait sa belle-mère. Par chance, un certain Monsieur Murata va les sortir du pétrin en employant la jeune Mitsuko dans son grand magasin d'aquariums. La rencontre du petit commerçant à priori respectable et du gros bonnet du poisson clown va évidemment faire des vagues. Sono Sion, auteur méconnu en France, livre un film estampillé Sushi Typhoon. Un label qui ne correspond pas tellement à l'esprit tant le travail de Sono Sion est plus élaboré que la farce. Du moins en partie.
Dans un premier temps, il développe un jeu de pouvoir et de soumission tout en finesse. Les agitateurs nippons aiment se moquer des révérences protocolaires. Dans Cold Fish, la magouille fait son apparition avec le même humour glacial qu'un Kitano. Les déambulation des rayons sous néons constitue la principale beauté du film. L'aspect presque clinique du lieu sent bizarre. Les bocaux à poissons devraient respirer l’apaisement alors que ne ressort que l'hystérie furieuse de Monsieur Murata. Autant dire que les seuls pêches fructueuses se font du côté de la morale explosée. Celle où l'adultère amène la catastrophe, où les pulsions prennent le pas sur le respect et où les petites combines explosent l'ordre social. Comme pour ajouter en ampleur, le film est tiré d'une histoire vraie.
Une malice tout de même très limitée. La farce grossière fait à la fois rire (le gore en devient d'une absurdité tordante) et fatigue un peu. Les conclusions du film montrent le peu d'ampleur cherchée sur le sujet. A tout vouloir moquer, Sono Sion en oublie le joli jeu de dupe qu'il met en place pendant une heure. On ne sait plus vraiment si Cold Fish est vraiment ultra-malin ou franchement bête. La mécanique dévastatrice auprès du héros naïf fait croire à une perte de foi en l'espèce humaine. Comme si toute mécanique meurtrière ne pouvait être enrayée. Drôle et beau, Cold Fish n'en reste pas moins un petit objet insignifiant.
Cold Fish, de Sono Sion, avec Denden, Asuka Kurosawa, Mitsuru Fukikoshi (Jap., 2h25, 2011)
La bande-annonce de Cold Fish :