Avortement clandestin
Parangon d'un renouveau du cinéma roumain, la palme d'or 2007 auscultait les plaies sociales de son pays à travers l'avortement. Du cinéma d'auteur bien huilé un peu gâché par son final poussif.
A priori, 4 mois, 3 semaines, 2 jours (4.3.2) ne dépasse pas le postulat du film d'auteur tiers-mondialiste (n'y voir aucun jugement de valeur dans ce terme) hérité par exemple du néo-réalisme italien. A l'époque où la Roumanie n'avait pas encore chassé le communisme, le collectivisme et la censure morale ont durablement perturbé la société. Conséquence, tout un cinéma roumain règle ses comptes avec le régime de Ceauşescu, l'un des plus tyranniques et cyniques dictateurs de l'ex-Europe de l'Est. Optant non pas pour le tragi-comique mais pour le drame pur, Mungiu mise sur le choc des images et des paroles. La femme portera en elle les souffrances d'un pays.
Gabita, aidée de son amie de foyer Otila, cherche à avorter dans un pays où la pratique est interdite. Le film parcourt aussi bien les étapes effectives de ce geste clandestin que le cheminement mental pour les deux jeunes femmes. Pays mortifié, la Roumanie se doit d'avoir des héroïnes courageuses et stoïques. Un procédé simpliste qui fonctionne par les artifices déguisés. Car sous couvert d'un réalisme évident- illustré par de long cadres fixes où se développe l'action – se cache tout un tas de malicieux ajouts de mise en scène. Ici un son surmixé, là un cadre extrêmement calculé. Le tout permet de construire une tension efficace.
C'est dans la suggestion que Mungiu s'en tire le mieux. Le fait de montrer un fœtus ne dépasse pas le stade d'image crade et bêtement choc. En revanche, il éclaire avec brio les souffrances d'Otila dans sa solitude. Elle se retrouve confrontée à ses démons avec comme point d'orgue un repas cauchemardesque. Alors qu'elle vient d'aider son amie, elle doit aller rencontrer la mère de son petit-copain pour un anniversaire familial. Déjà qu'en temps normal ce genre de premier contact est stressant et désagréable, le contexte de la journée empire l'état d'esprit de la jeune femme. Pas besoin de virer dans les exubérances de Festen, seul un cadre serré étouffe le personnage blême. Les discutions ne comportent aucun intérêt et seule la lutte de la jeune femme fascine. Ce repas constitue une sorte de climax. Après, le film perd en force. Son final poussif cherche à conclure en mode « restons stoïque, notre heure viendra ». Entre temps4.3.2. aura permis de voir les mécanismes bureaucratiques, les combines de filous et le mode de vie précaire d'un peuple au bout du rouleau.
4 mois, 3 semaines, 2 jours, de Critian Mungiu, avec Anamaria Marinca, Laura Vasiliu, Vlad Ivanov (Rou., 1h48, 2007)
Disponible en coffret dvd édité Why Not Productions et France Inter avec Contes de l'âge d'or.
La bande-annonce de 4 mois, 3 semaines, 2 jours :