Essai raté pour Peter Jackson de recréer la merveille Créatures Célestes. A la place, on a droit à une meringue indigeste sur fond de morale post-mortem.
Lovely Bones se veut ambitieux. En vrac, il traite de la mort, de la dépression, de la vengeance, de la paranoïa, du destin, du bonheur, de l'au-delà. Adapté du roman d'Alice Sebold, le film se penche avant tout sur le destin tragique de Susie Salmon, assassinée par un voisin pervers. Voilà, avec ce topo, largement expliqué dans la bande-annonce, vous avez tout vu. Car là où le romanesque commence, à savoir Susie qui erre entre deux mondes, sorte d'univers parfait entre les vivants et les morts, pour le spectateur l'ennui s'amorce. La description de ce purgatoire pas franchement d'enfer sent la naphtaline à plein nez. Le mythe de la vie après a mort y est vu comme une paix de l'esprit. Rien de bien neuf. On pense au fantastique Créatures Célestes du même réalisateur, et au très beau Au delà de nos rêves (un peu larmoyant sous ses tonnes de violons, mais contrebalancé par le regard désespéré de Robin Williams). Là où ce dernier développait la difficulté de s'en aller par amour pour sa femme mais déplaçait l'action dans le céleste pour y reconstruire une famille en paix, Lovely Bones s'attache au terrestre.
Et vu le vacuité des passages dans lesquels se retrouve Susie, on serait tenté de dire tant mieux. Les pourtant très bons concepteurs d'effets spéciaux de la Weta (Le Seigneur des anneaux, Avatar...) cherchent vainement une illusion dalienne. Le résultat ressemble plutôt aux tableaux kitchs de papa-Sarkozy. De la couleur en veux-tu en voilà avec en point culminant de ridicule des bateaux géants qui brisent leur bouteilles sur les rochers. La technologie prend un coup de vieux de 10 ans ! La psycho-philosophie platonicienne qui s'attache au rapport âme-corps est ici d'une faiblesse incroyable. Summum du ridicule, une scène de rencontre avec pleins d'autres gamines tuées atrocement où l'on a un peu l'impression de voir une réunion de nouvelles copines pour jouer au ballon.
Plus blanc que blanc
Alors complétement foiré ce Lovely Bones. Pas loin. Mark Wahlberg nous avait habitué à mieux dans ses prestations d'acteurs. Rachel Weisz n'apparait que trop peu (presque un sacrilège quand on a un joyau pareil pour son film), et même le douce Saoirse Ronan chiale à tout va. La musique, larmoyante au possible, se fait omniprésente, pour notre plus grand malheur. Pourtant, les vingts premières minutes sont franchement intéressantes. Elles s'immergent dans une famille américaine heureuse. Et c'est en sachant que la mort va indéniablement frapper que Jackson nous tient en haleine. Le meurtre, bien trop édulcoré et symbolisant, achève mal un passage magnifiquement entamé. L'occasion de saluer la performance de Stanley Tucci. Son jeu de tueur psychopathe et imaginatif crée une véritable tension dramatique. On aimerait que le film se recentre encore plus sur cet ignoble personnage.
Mais la morale étant ce qu'elle est, il fallait s'apitoyer sur les tourments d'une famille déchirée. La confrontation gentil papa/ méchant criminel tourne court et pendant ce temps Jackson en rajoute en pathos sur le paradis. Lovely Bones, plus blanc que blanc avec ses fondus enchainés éblouissants (au sens premier du terme, à savoir le mal rétinien créé par le surplus de lumière) se paume complètement malgré un matériau de départ intéressant. Une énorme déception de la part d'un cinéaste majeur. Un peu comme si le Seigneur des anneaux se résumait aux répliques de Legolas : du mauvais goût derrières de louables intentions.
Lovely Bones, de Peter jackson avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Stanley Tucci (U.S.A., Brit., N-Z., 2h08, 2010)
La bande-annonce de Lovely Bones ci-dessous :