Petit poney
David Carradine n'aura pas le loisir de voir le catastrophique résultat de Stretch. Sa dernière apparition à l'écran sera à l'image du film : lamentable.
Il est toujours intriguant pour le cinéma de se pencher sur des sujets à la marge, ou rarement objet de la fascination des cinéastes. Charles de Meaux a cette -potentielle- bonne idée de se passionner pour les courses de jockeys. Son héros Christophe, accusé de dopage, quitte les terres françaises et s'offre un exil de la dernière chance à Macao. Même si le sujet ne passionne pas forcément tout le monde, la plongée dans un univers unique a de quoi intriguer. La folie du jeu décrypté devrait rappeler l'inégalable Casino. Remballons nos futiles espoirs, Stretch ne se résume pas à une déception, c'est une catastrophe totale.
Cela commence par l'horrible générique en mode écriture texto, ni très joli graphiquement ni très stylé. Puis se passe une première demi-heure en France. Pas des plus aptes à capter ses personnages malgré des plans rapprochés et des gueules misent en avant, Stretch aurait pu ne rester qu'un petit film d'auteur moyen, peut-être capable sur la durée à créer une ambiance. Sauf que la fuite à Macao brisent ce dernier espoir. Déjà par sa photographie hideuse. Non content de vouloir plagier le style Won-Kar Waï, Charles de Meaux a le culot par dessus le marché de chercher un mode narratif semblable. A savoir un jeu d'ellipses plus ou moins stylisées, une utilisation de voix off. Pas de comparaisons possibles pourtant. Le métrage français abuse d'échanges téléphoniques par répondeurs interposés, introduits des personnages secondaires juste en voix off (la sœur de l'étrange Pansy) et joue sur l'absence de David Carradine.
Impossible de ne pas mentionner la tragédie de sa mort en plein tournage, visiblement facteur de gros problèmes, se ressent sur son intégration au scénario. Pour autant, la version finale du film en fait une sorte d'entité présente en off, centrale pour l'intrigue et peu présente à l'écran. Et tant mieux tant il joue mal. Comme toute la clique avec en chef de file l'un des parrains du milieux des paris, sorte de pseudo Ben Kingsley parodiant du De Niro en petite forme. Ce même De Niro devenue l'incarnation du monde des jeux de casino avec le film de Scorsese. Là encore, toute la fureur présente chez l'américain se transforme en une molle litanie sur la reconstruction d'un être paumé. A tel point que les courses elle-mêmes manquent de furie, le son n'a rien de violent, la cadrage demeure mou. Au sujet du son, là encore, catastrophe, surmixant ou sousmixant volontairement des bouts de dialogues pour offrir une étrangeté. Comme s'il voulait, dans un trip d'auteur pour une expérience unique.
N'est pas Weerasethakul qui veut (De Meaux a en partie produit Uncle Bonnme) et avant de se lancer dans du cinéma expérimental, ou audacieux, mieux vaut s'assurer que l'on maitrise son sujet. Notamment par le tournage en HD, encore très casse-gueule donnant l'impression d'une production pas très à l'aise d'élève en école de ciné. La direction d'acteur souffre aussi de grosses carences. Nicolas Duvauchelle habituellement si magnétique ne transmet rien, tout comme Fan Bing Bing (Chongqing Blues, Lost in Bejing) et le pauvre Nicolas Cazalé fait pâle figure. Jusque dans son final sans logique, Stretch est à très vite oublié. Dommage que Carradine finisse là dessus.
Stretch, de Charles de Meaux, avec Nicolas Cazalé, Fan Bing Bing, David Carradine (Fra., 1h30, 2011)
La bande-annonce de Stretch :