La vengeance dans la peau
Ce film est présenté dans le cadre de l'Étrange Festival
Présenté comme le digne successeur de Old Boy ou The Chaser, ce nouveau polar coréen pâtit pourtant d'une forme de lourdeur et d'un classicisme, et ce malgré de belles scènes et un final choc.
Le polar inonde le marché coréen. En France, nous n'avons droit qu'au meilleur : Old Boy, The Chaser, Memories of Murder. No Mercy, de Kim Hyeong-Jun se veut dans la digne lignée. Un semi-échec (ou une semi-réussite, ça dépend du regard). Alors bien sûr en sortant de la salle, on a tendance à évaluer par le haut un film qui ne nous avait guère enchanté durant plus d'une heure. Sauf que le cinéaste fait tenir sa dramaturgie sur un final au lyrisme exalté.
D'une tristesse aussi sidérante qu'abusive, No Mercy vire du polar classique à la tragédie cornélienne des plus déchirante. Ce qui s'apparentait avant comme une certaine lourdeur de mise en scène devient beauté morbide, songe spleenétique d'un homme aux portes de l'enfer. La musique et les ralentis aidant, No Mercy cherche à clouer son spectateur sur cette dernière demi-heure. Mais qu'en est-il de l'heure et demi d'avant ? Une longue phase d'approche des personnages. Parmi eux, une jeune flic, pleine de bonne volonté mais enquiquinée par un collègue macho et abruti (pléonasme?). Il y a aussi un légiste, contraint de faire sortir le criminel de garde à vue sous peine de retrouver sa fille morte. Un meurtrier justement, ambivalent, caméléon et pervers, pas foncièrement mauvais garçon.
No Mercy se cherche. Il rompt un rythme plan-plan de ses débuts par quelques coupes enragées, une musique vrombissante et des jeux de zooms non sans rappeler toute une gamme de production américaines. En découle une artificialité dans la dramaturgie préfabriquée. Comme si tout ne sonnait pas juste. Avec un tel sujet, pourquoi en rajouter pour créer une once de peur ou d'émotion. Kim Hyeong-Jun sans le vouloir se donne des airs de Micheal Mann et de David Fisher (pour Seven) en manque d'inspiration. Heureusement pour lui, ses acteurs font le travail. Ils transmettent non sans mal le désarroi et la colère des êtres meurtris et perturbés. Leurs portraits, assez semblables entres eux finalement, reflètent quelque chose de flippant chez les coréens. Ce goût du morbide, cette capacité à blaguer avec, cet attrait pour la tragédie la plus écœurante. Sans parler d'un sens de l'honneur des plus archaïques. Les railleries habituelles sur la police se conjugent ici avec un désaveu du système judiciaire. Voilà qui motive tant les cinéastes là-bas. Ça a beau être passionnant, on craint pour leur santé mentale.
No Mercy, de Kim Hyeong-Jun, avec Seol Gyeong-Gu, Han Hye-Jin, Seong Ji-Ru (Cor., 2h04, 2010)
La bande-annonce de No Mercy :