Il était une fois dans l'Est
Ce film est disponible dans le coffret des huit premiers films de Nikita Mikhalov
Sorte d'essai de transposition léonienne du western dans la Russie pré-soviétique, le premier film du futur palmé à Cannes révèle des trésors de bonne volonté mais aussi des maladresses évidentes.
Le premier film de Mikhalov profite autant qu'il souffre de la comparaison avec Sergio Leone. Assez vite pendant Le nôtre parmi les autres, le ton global fait penser à un Giù la testa (plus connu en France sous le nom de Il était une fois la Révolution). D'abord par ses personnages bourrus, grandes gueules, parfois moustachus. Les deux films sentent aussi la poussière, avec en arrière-plan la première guerre mondiale. Le Mikhalov se passe en 1917, à l'aube de la révolution des soviets où l'or d'un convoi disparaît. Et là Leone reprend ses droits, comme beaucoup de westerns spaghettis de l'époque. Le russe n'a pas encore en 1974 cet art de la dramaturgie. Son récit manque de liant.
Au lieu de nous servir un film politique pro-régime, il prend la poudre d'escampette et lorgne vers d'autres horizons. Nikita Mikhalov se fout un peu de son sujet. Il cherche avant tout à prouver au milieu de la Nomenklatura qu'il est bien plus qu'une coqueluche moscovite. Celui qui réalisera quelques films majeurs détourne d'abord malicieusement le politique et sa morale bolchévique pour tirer à lui la couverture. Il se donne le bon rôle, tel un Eastwood de l'Est. En découle une horrible inégalité des partitions d'acteurs, pas forcément à l'aise avec le jeu.
Le nôtre parmi les autres est avant tout un exercice de style. Une sorte de film expérimental tirant de temps à autres vers la série B. Le poésie mixée de flashbacks se cogne une nouvelle fois à Giù la testa (la musique rappelle fortement les compositions de Morricone) mais il y a tant d'autres choses à voir. Des plans longs en caméras portés, une pointe de contemplation des grands espaces russes, une lumière rasante ou encore les variations de couleurs ostentatoires, la plastique séduit et intrigue. Il y a de l'art au sens de création originale. Les écrans blancs puis noirs pour souligner les souvenirs évanescents forment un sommet dans l'expérimentation pas très heureuse. Car au risque de se planter, tout cet attirail offre une expérience plutôt stimulante. Plus généralement, Mikhalov dévoile déjà un goût pour des cadres pleins de profondeurs de champ. Alors bien sûr, voilà une première œuvre mineure, bien loin du niveau de la suite du travail de Mikhalov. Mais ce néo-western est loin de démériter pour ses tentatives.
Le nôtre parmi les autres, avec Alexandre Kaidanovski, Anatoli Solonitsyne, Nikita Mikhalov (U.R.S.S., 1h32, 1974)
Un extrait de Le nôtre parmi les autres :