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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 18:49

L'enfer carcéral des mineurs

 

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A l'occasion de la sortie d'un coffret Alan Clarke, chronique de Scum, film coup de poing sur les prisons pour mineurs. Un monument du cinéma trop méconnu et paradoxalement mythique.

 

La sensation des premiers instants de Scum sonne comme une évidence. Pas de générique, gros plan sur un jeune homme désabusé dans un fourgon. Il sera enfermé. Angoisse. Une ouverture qu'utilisera d'ailleurs Audiard trente ans plus tard pour un Prophète. Sauf que là, pas de contre-champ sur un espace de liberté perdue, la mine patibulaire de Carlin n'est rien en comparaison de ce qui l'attend. Et ce qui l'attend, c'est l'univers carcéral au nom adoucit en « bortsal ». Des centres de détention pour mineur dont les conditions de survie furent mise au grand jour par ce film. Le scandale de ces images fut tel que la BBC refusa la diffusion et que le choc contribua à faire abolir ces prisons en 1982. Un film engagé donc mais avec intelligence. Avec Carlin arrivent Angel et Davis. Trois visages encore innocents malgré leurs condamnations. Le bortsal symbolisait le pan le plus répressif et inhumain de l'Angleterre de Tatcher -alors tout juste arrivée au rang de Premier Ministre.

 

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Le principe de Scum est d'utiliser la prison comme un microcosme. La procédé de mini-Etat fascisant fait penser au déroulement de Vol au dessus d'un nid de coucou, où l'injustice totale se doublait d'une indignation épidermique. Cet enfermement, c'est le Chili en proie aux soulèvements populaires, c'est Jack Nicholson réclamant le match de base-ball. Alan Clarke fait monter la tension par cette indignation même qui crée les drames. Le choc est rude. Les humiliations du quotidien vont crescendos. Les matons laissent faire les petites frappes. Une micro-société s'organise où l'honneur dicte la conduite. Le système devient pervers dans sa manière de berner les pauvres gamins. Les caïds tendent des pièges, humilient, frappes, violent. Puis les matons réprimandent les souffre-douleur, feignent jouer la justice. Ainsi, la victime prend une double-peine, puisque punie par le gouverneur. Ces prisons créent des caïds pire que dans la nature. Le mal rode en se muant à travers ce qui ne devraient être que des enfants.

 

Le parti pris de la mise en scène se traduit dans sa manière de montrer les comportements dictatoriaux des dirigeants. L'ordre y règne jusqu'à l’écœurement. Les adultes encadrent les mômes pendant leur condamnation devant le gouverneur. Les séances d'inquisitions qui n'ont rien à voir avec un plaidoyer. Aucune chance de s'en sortir sans journée de placard ou sans privation de privilège. Tout fait penser aux pires prisons pour adultes, dépeintes mille fois au cinéma. Sauf que là, il s'agit bien de mineurs à qui ont fait croire qu'il sont éduqués ainsi. Le bonheur n'a pas sa place. Archer, personnage spiritualiste, sorte de sage issu des mythologies orientales, se fait réprimander parce qu'il peint « I'm Happy » sur un mur. La peinture devient tag. La lueur optimiste devient délinquance. Dans ce point de vue sans concession, Clarke voit le redressement judiciaire comme l'incarnation de la mort de l'équilibre social.

 

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Tout est froid. La seule couleur rouge présente se limite au sang, abondant. Les visages tuméfiés épousent de leur violet bleuté les murs beiges et décrépis des salles de détentes. Peu de lumière parvient à ouvrir l'espace. L'enfermement y devient même totalitaire quand Scum détourne l'imagerie soviétique. Alors que les détenus pellettent du charbon devant une baraque en briques rouges, Carlin, accoutré d'un bleu de travail, va régler ses comptes avec le chef noir d'un autre secteur. Le tabassage à coup de bâtons renvoie à l'iconographie des révoltes bolcheviques. L'abnégation dans l'effort fait penser à l'idéalisation du travailleur moralement exemplaire qu'aimait tant Staline. Dans l'Angleterre des années 70 comme chez les soviétiques, le bon citoyen doit se mouvoir en stakhanoviste. Ici, si possible dans les carcans de la morale religieuse. Avec ses mises au pas militaires, ses contres-plongées mortifères et ses visages plein de désespoir, Scum fait l'effet d'un électrochoc au final ahurissant. Les jeunes garçons subissent un diktat tel que même le sergent Artman de Full Metal Jacket ne peut rivaliser.

 

Scum de Alan Clarke, avec Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth (G.-B., 1h33, 1979)

 

Coffret Alan Clarke 3 dvd de Potemkine et Agnes B. disponible.

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 12:15

La maison des délices

 

Mini-cycle « fétichisme »

 

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Mise en abyme du droit à la liberté sexuelle sur fond de parodie de séries B, le seul film connu de Jim Sharman atteint son apogée dans le plaidoyer sous-jacent. Un film qui vous colle à la peau comme le latex.

 

Dès que les lèvres pulpeuses entonnent le premier air, The Rocky Horror Picture Show dévoile sa suave caresse. Celle d'un univers vu comme marginal. Homosexualité et transsexualité passent par le spectre de la bizarrerie parodique. Les séries B et autres films fauchés servent de structure frivole à un sujet finalement très profond. Celui du sexe sans limite, de l'esclavagisme sexuel et bien sûr du fétichisme en chacun de nous. Les deux héros, couple de coincés neuneus par excellence, se voit perverti par de terribles Transylvaniens. Rocky est une créature de Frankenstein, ici appelé Frank, un hôte freddy-mercurien époque I Want to Break Free*, magnifique en corset et bas nylons.

 

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Tout dans The Rocky Horror Show convoque l'amour épidermique. L'amour au cartoon d'abord tant on croirait un vieil épisode de Scooby-Doo dans lequel une famille Adams déglinguée vient mettre le boxon. Le film d'horreur est détourné. Janet et Brad, le gentil couple donc, partent de leur paisible ville de Denton pour aller rejoindre un vieil ami scientifique. Dès cet instant, la mécanique se met en place : la crevaison de nuit, le château hanté et les éclairs. Un air bien connu où tout se fait en chanson. Et pas n'importe lesquelles. Presque pionnier de futurs sonorités métal, le film s'amuse à croiser bleuette et horreur. Ainsi, les mariés du début font place au cimeterre. L'étrange demeure devient presque un antre à partouzes endiablées.

 

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Le docteur Frank si gay ressemble un peu au chanteur de Kiss (encore débutant en 1975). On se demande si David Bowie ne va pas débarquer au détour d'un escalier en colimaçon, entraînant dans sa danse nuptiale toute une série de cris en chanson. Si le film ne se prend pas au sérieux, il institutionnalise pourtant un peu plus le droit « à la différence ». Gay, hétéro, gros, moche, beau, petit, tous y trouvent une place. Le thème de l'eugénisme développé à travers ces humains qui n'en sont pas vraiment montrent une éclate possible tant que le plaisir est là. C'est bien ce que communique le film, chromatique de couleurs sans limite dont on pourrait attribuer un sens. Le noir (que l'on broie) se voit foutu en l'air par les filtres rouges et bleus de l'aventure sexuelle. Le teint pale de Riff Raff, sorte de Quasimodo, s'égaie de paillettes vengeresses type boule à facette en fin de film. The Rocky Horror Show met à la mode les tics discos avant l'heure. Une œuvre avant-gardiste qui a dérouté le public de l'époque.

 

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Mais ses séances de minuit à New-York et le culte qui l'entoure vient justement de l'amour qu'il communique. On bat le rythme en permanence devant le cabaret en place. Mieux mis en scène qu'un spectacle du Lido, plus libéré que ce dernier, The Rocky Horror Show fait vivre les chairs dans des tenues pour soirées de débauches délicieuses. Un plaisir doublé pour les cinéphiles tant on retrouve mille références. Des jeux de filtres à la Vertigo au professeur teuton en chaise roulante façon Docteur Folamour en passant par les doigts tatoués de la Nuit du Chasseur, c'est un délice permanent. Plus subtil (ou grossier, c'est au choix), les hommages à Claude Raims, au Choc des Mondes ou à la société RKO Picture.

 

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Reste quelque chose de plus profond. Comme quand le roi écoutait ses bouffons qui en profitaient pour dissimuler des messages sur leur société, The Rocky Horror Show fait galoper cette idée que la différence est vue avec dédain. Cette dernière image d'un globe dans le nuit, comme abandonné, fait écho à l'adieu aux héros, rampant comme des larves sur une terre calcinée. Eux qui ont goûté au fruit interdit, qui plus est à l'adultère et à la pédérastie, sont comme laissés seuls. On dirait un peu ce sentiment d'abandon quand on se fait larguer. Au milieu de nulle part, Janet et Brad, encore marqués physiquement par leur expérience (ils portent leurs costumes de cabaret), se retrouvent comme les danseuses de strip-tease au petit matin. Plus personne ne les regarde avec leurs cernes et le maquillage défait. Elles rentrent en taxi s'occuper d'un quotidien sans paillette, sans amusement. Pas rock'n'roll quoi. La gueule de bois. The Rocky Horror Picture Show milite pour une fête sans fin, une envie d'éclate sanguinolente. Let's Dance.

 

* la chanson I Want To Break Free ne sort qu'en 1984. La comparaison est donc anachronique mais sert à donner des repères.

 

The Rocky Horror Picture Show, de Jim Sharman, avec Tim Curry, Susan Sarandon, Barry Botswick (U.S.A., 1h40, 1975)

 

La bande-annonce de The Rocky Horror Picture Show :

 

 

 

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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 17:05

Réunion de famille

 

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Le plus réputé des cinéastes suédois ne comprend rien de l'humain dans Sonate d'Automne. Il ne fait que mettre du plâtre là où il faudrait abattre des cloisons. Un film assommant de scléroses.

 

Une simple scène suffit à illustrer tout le gâchis du travail d'Ingmar Bergman. Dans Sonate d'Automne, il réunit une mère et ses filles avec les rancœurs qui vont avec. Alors qu'une des filles se met au piano, la mère, musicienne reconnue, lui ordonne d’entonner un prélude de Chopin. Le jeu se fait hésitant, la technique approximative. De la perfection composite de Chopin ressort une troublante émotion. Celle de l'environnement perturbé, où les doigts lourds de la jeune femme redécoupent très personnellement une œuvre huilée. C'est le seul moment de tout Sonate d'Automne où Bergman se permet de faire déborder l'émotion. Il lâche prise. Ce qui ne lui plaît guère. Dans la foulée, il reprend la main avec la mère, Charlotte. Le discours ré-envahit la pièce. Le dogme passe par une longue morale. Chopin serait l'artiste de l'émotion contenue, de la tristesse intériorisée. Les mines se figent, la musique reprend ses atours lugubres du début. Une vision de l'interprète polonais contestable mais en parfait accord avec le ton du cinéaste suédois.

 

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Le cinéma de Bergman se compare à un corset médical. Il faut de la droiture non pas pour l'élégance du corps, mais pour tenir la colonne vertébrale d'une intrigue déjà bien charpentée. La lourdeur de l'entreprise contient une foule de sentiments mais le dénuement les étouffe. Le film refuse le mélo en apparence. C'est pourtant dans l'hystérie qu'il se plante le plus grandement. Les haines du passé sont mises en surimpression d'une réalisation à la main lourde. Les inserts et effets de zoom s'ajoutent aux gros plans interminables sur des visages qui n'osent respirer. Tout ça pour mieux tenir son sujet, droit dans ses bottes, comme une rombière désabusée dans son quotidien gris. Pauvre Ingrid Bergman, obligée de se prosterner devant le théâtre des absurdités. Elle qui déjouait le lourd de ses grand yeux purs, elle qui dramatisait une scène frivole, elle ne parvient jamais à désamorcer l'emphase des mines patibulaires de ses comparses.

 

Dommage car le sujet était beau : laver son linge sale en famille, crier son amour pour son prochain en lui avouant sa haine. Les souvenirs mis en images auront au moins le mérite d'un unique plan somptueux. Un amant, de dos, joue du violoncelle. Le reste des humains de la pièce est aussi immobile qu'un tableau. Figé, voilà qui caractérise bien le cinéma d'Ingmar Bergman. L'introduction sur du Haendel surprend tant le musicien n'est pas dans la retenue. Puis, on comprend vite que le réalisateur ne l'utilise que pour plâtrer une situation. La photo est laide, les décors vomissent sur les personnages.

 

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L'automne est la période la plus fascinante. C'est un moment où le mouvement des feuilles mortes suit celui des dernières chaleurs estivales. L'hiver prendra bientôt le monde dans le givre. La mélancolie, sentiment mêlé de légèreté guillerette et apitoiement intérieur, y trouve son écrin. Seul le second élément transparaît ici. Impossible d'y voir un jeu de dupes puisque dès les premières images, le drame arrive avec ses gros sabots. Le tournage entre les deux Bergman s'est mal déroulé, Ingrid n'aimant pas le regard d'Ingmar sur son personnage. Cette grande dame avait sûrement saisi toute l'absurdité de l'accablement unilatéral que subissait Charlotte. Sonate d'Automne ne dépeint rien de l'Homme. Il n'est qu'une fable éreintante et superfétatoire directement sortie d'un esprit malade.

 

Sonate d'Automne, d'Ingmar Bergman, avec Liv Ullmann, Ingrid Bergman, Erland Josephson (Fra., Sue., All., 1h28, 1978)

 

Un extrait de Sonate d'Automne :

 

 

 

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26 juillet 2011 2 26 /07 /juillet /2011 00:19

  Émois adolescents

 

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Film du trop méconnu de Jerzy Skolimowski, Deep End ressort en salle ces jours-ci. Son exploration pop et colorée d'un Londres des années 70 en fait un œuvre charnière des découvertes de fantasmes adolescents.

 

Pendant que Scorsese faisait ses premières armes, Skolimowski, émigré polonais à Londres, s'amusait déjà avec légèreté des années 70 débutantes. La caméra fluide de Mean Street se retrouve déjà dans ce Deep End en parcourant la capitale anglaise grisâtre. Rythmé par les compositions de Cat Stevens et Can, le long-métrage préfère la face rock. Mike, tout juste sorti du collège choppe un premier job dans un établissement de bains. Apparaît alors la rousse incendiaire Jenny. Si son désir n'a rien de crispant pour elle au début, l'insistance maladroite du jeune homme pose très vite problème. Deep End ne s'encombre d'aucun jugement. Il s'amuse plutôt des situations cocasses bien que le drame s'y mêle.

 

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Le film joue sur la frustration d'un gamin pas assez libertin pour coucher avec la première venue. Il veut "trouver la bonne" avec cette détermination timide de vierge. Et évidemment, il souhaite que ça soit Jenny. Du coup, Jane Asher joue un fantasme au minois affriolant et aux courbes inoubliables. Dans cette Angleterre en voie de libération des mœurs, le questionnement du corps devient un enjeu féministe. Cette fille incarne t-elle une libération de la femme en couchant avec pas mal de monde ? On ne peut que répondre que non. D'un parce qu'elle laisse profiter la clientèle de ses atouts pour quelques pourboires. De deux parce que cette liberté du corps ne lui permet pas de s'émanciper moralement. Elle reste soumise aux désirs masculins, se laissant entraîner dans des épousailles guère romantiques.

 

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La relation sensuelle et rêvée qu'entretient Mike avec elle laisse place aux fantasmes en piscine aussi tendre qu'amusant. D'ailleurs, Deep End se veut la majeure partie du temps drôle. Au rang des scènes mémorables, notons une attente devant des établissements de peep show et une dispute dans le métro avec un mannequin de plastique très dénudé. Mais le cœur de l'intrigue se passe dans ces bains. Le pauvre garçon se fait presque violer par une dame aux propos footballistiques douteux. Et puis, la piscine cristallise tous les enjeux.

 

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Le travail formel de Skolimowski dynamise ce film qui, quarante ans après, n'a rien perdu de sa fraîcheur. Sa caméra suit avec fluidité les mouvements, joue de quelques insert' tout en laissant chaque plan s'exprimer. Les teintes de rouges et le bleu chlore expriment la bipolarité même du film. D'un côté le jeu cru de l'attirance sexuelle et du drame de ce jeune homme, de l'autre la douceur émanant de la rêverie. Et puis, il y a cette chevelure rousse éclatante. En Jane Asher s'incarne toute la société rock des seventies. Celle des groupies de rock star, celle des drogues en vogue, celle des femmes militantes malgré les résistances. Il y a cette scène savoureuse, bien avant Taxi Driver, où Jenny est embarquée dans un cinéma porno avec son fiancé. Le machisme se retrouve cantonné à un statut de looser. Jenny s'amuse aussi bien des garçons que des autorités. Comme tout bon film militant, la figure du flic en prend pour son grade, tout en subtilité. Petite pépite méconnue, Deep End mérite une nouvelle chance.

 

Deep End, de Jerzy Skolimovski, avec Jane Asher, John Moulder-Brown, Karl Michael Vogler (G.-B., R.F.A., 1h30, 1971)

 

La bande-annonce de Deep End :

 

 

 

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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 15:42

Égérie photographique

 

 

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Nouvelle occasion de découvrir le premier film du méconnu Jerry Schatzberg. Entre curiosité, élégance et indifférence finale.

 

On connait peu Jerry Schatzberg. Pas assez populaire pour être admis communément dans la grande famille du Nouvel Hollywood (pourtant son cinéma a des accointances), peu aimé de la critique à ses débuts, le new-yorkais sort des ornières de la mode pour une carrière dans le 7ème art. Il côtoie de grands noms comme Bob Dylan de temps à autres mais ne se fond dans aucun mouvement. Reconnu pour deux films notamment, Panique à Needle Park et L'épouvantail (palme d'or 1973), il démarre sa carrière de réalisateur avec Portrait d'une enfant déchue. Malgré la présence vedette de Faye Dunaway, le film fut un échec retentissent, peu distribué et malmené par la critique. S'il est en voie de réhabilitation (et il faut découvrir cet étrange objet filmique), il demeure une certaine circonspection à la découverte de l'œuvre.

 

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Tout commence pour le mieux. Dans une maison au bord de l'océan, Aaron Reinhart vient voir sa vieille amie Lou Andreas pour préparer un film sur elle. La voix vient de nulle part, les hautes herbes laissent apercevoir une jolie baraque perdue, le grain de l'image offre immédiatement un cachet, le travail de restauration des copies force le respect. Les deux amis discutent de souvenirs, on y entend la mer, les rayons pénètrent dans la maison. Parfait pour se livrer aux confessions. Schatzberg livre alors une histoire par fragments. Difficile de dire d'où sort la voix qui raconte. On la pense off quand en réalité c'est bien Lou à l'écran qui parle. Le cadre masque la vérité. Le choc des souvenirs s'entremêle dès lors qu'il s'agit d'intime. Dans le plus beau passage du portrait s'exhume un amusement malsain. Lou en voiture avec Aaron lui propose de jouer aux inconnus qui se séduisent dans un bar. Alors qu'elle lui raconte le déroulé de son scénario, les images s'intercalent sur les supposés faits. La séquence floute le réel et le rêvé jusqu'à ne pas savoir si leur jeu de dupe fut un simple fantasme ou une réalité amoureuse.

 

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Dès que Schatzberg conte l'univers de la mode et ses photographies léchées dans un monde de crocodiles voraces, le film perd de sa fraicheur. Son passé dans le milieu revient au galop. Il semble y décrire un univers aussi fascinant qu'artificiel. Portrait d'une enfant déchue ère dans un entre-deux monotone. Les élans de la première heure tournent en rond. Alors que Lou sombre dans une folie dépressive, on décroche vers une forme d'indifférence totale. La faute à un regard hautain quand la folie déboule. Le crépuscule de la star, inspiré de la vie de Ann Saint Marie, abandonne la mélancolie douce pour se faire plus psychologique et psychotique. La grâce de Faye Dunaway ne contrebalance pas le peu d'intérêt qui découle de ces instants de vie. Égérie oblige, elle semble constamment prendre la pose, arrêter ses mouvements pour capter l'instant. Schatzberg n'inocule que partiellement le mouvement à un art de l'image qu'il maitrise fixe. Pour preuve, la sublime affiche du dernier festival de Cannes issue d'une série de portraits préfigurant du film.

 

Portrait d'une enfant déchue, de Jerry Schatzberg, avec Faye Dunaway, Barry Primus, Viveca Lindfors (U.S.A., 1h45, 1970)

 

Reprise nationale le 28 septembre

 

Un extrait de Portrait d'une enfant déchue :

 


 


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10 mai 2011 2 10 /05 /mai /2011 23:30

L’antichambre de l’apocalypse

 

affiche bluray apocalypse nowAprès la critique du film, l’exploration des bonus du Bluray d’Apocalypse Now avec notamment ce grand document qu’est Hearts of Darkness.

 

La plupart des making-off se résument à une barbante extirpation de banalités commerciales. Pas Hearts of  Darkness, documentaire composé principalement des enregistrements d’Eleanor Coppola, femme du cinéaste. Le film et la vie de Francis Ford sont intimement liés. Tellement que les détails en deviennent glaçants. Le cinéaste pensa se mettre en l’air devant l’enfer que devenait un tournage. Entre les hélicos réquisitionnés pour les combats philippins, le typhon qui ravagea les décors, les caprices des comédiens, tout y passe. Même la santé de Michael Sheen.

 

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Véritable film en lui-même, Hearts of Darkness est une sorte de catharsis de la souffrance suprême. Celle d’une famille loin de ses racines, embarquée par un projet promis à l’échec, à la catastrophe même ! Lorsque celui qui avait déjà triomphé avec le Parrain joue ses pécules dans la bataille, on comprend que c’est un lien à la vie à la mort avec ce projet fou. Il pestait de la médiocrité de son travail. « Tu es comme un élève qui espère avoir 18/20 et qui finalement a 15 », rassure sa femme. « Mais ça vaut un 5 ! » peste le colérique et désabusé italo-américain. La trajectoire folle de Willard n’est qu’un reflet de l’une des plus dingues entreprises du cinéma, guidée par la drogue et la passion.

 

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Hearts of Darkness montre pourtant aussi un géant d’acier, un colosse au pied d’argile à la direction d’acteur formidable. On en apprend également beaucoup dans les autres bonus du bluray. A travers un entretien passionnant avec John Milius, Coppola redonne ses lettres de noblesse au rôle du scénariste. Il y a aussi cette exploration du son d’Apocalypse Now, si primordial. Comme tant d’autres perles rares, dont des scripts, des photos ou un entretien plus dispensable avec Claude Berry. Reste que c’est une sorte d’objet ultime, aux portes du fétichisme. Le traitement de l’image ferait presque croire que le film fut tourné hier. De toute façon, Apocalypse Now est une œuvre sans âge, du niveau des Voltaire, Raphaël et autre Céline.

 

Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, avec Martin Sheen, Marlon Brando, Robert Duvall (U.S.A., 2h34 en version d'origine, 3h22 en version Redux, 1979)

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 20:35

 

Voyage au bout de l'enfer

 

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Tous les américains dans le même sac dans cette adaptation mythique de Au cœur des ténèbres, avec en face l'univers opaque et mystérieux des méandres du Cambodge et du Vietnam. Évidemment un sommet !

 

On devrait toujours analyser un film d'abord en fonction de son impact sonore. Mutisme ou symphonisme, à chacun sa recette. Dans le cas d'Apocalypse Now, premier film à utiliser le dolby 5.1, la bande-sonore dépasse le simple accompagnement. La chevauchée des Walkyries suffit à moderniser les héritiers des cavaliers têtes brulées en assaillants de la mort du haut de leurs hélicoptères. Une partition musicale aussi vieille que révolutionnaire. Une composition jadis symbole du nazisme se transforme en hymne guerrier réellement utilisé par la suite par les Marines lors des deux guerres irakiennes. Plus ironique encore, The End, des Doors, accompagne l'ouverture d'Apocalypse Now. Un choix logique tant le groupe était aimé des G.I.. Or, la bande à Morrison a toujours chanté sa volonté de paix. Le chef-d'œuvre de Coppola parle de cette culture américaine schizophrène. Sous l'impulsion du roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, Coppola et Milius (le scénariste) déplacent l'intrigue du Congo au Vietnam.

 

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Observer cette guerre offre à la fois un écho contemporain à cette quête folle tout en illustrant parfaitement un double-visage américain. Celui d'hommes belligérants sur le front d'un pays qu'ils ne connaissent pas. Soldats ou hippies, souvent un peu les deux à la fois, c'est plus une culture branchée, rock'n'roll, faite de surf et de drogue qui se cogne à un monde impénétrable. D'où la lente descente aux enfers des protagonistes. Willard, personnage digne de Céline, narrateur observateur, explore le théâtre des cruautés. Le napalm dont Robert Duvall raffole tant n'est finalement que la première substance nauséabonde que le groupe du patrouilleur va ingurgiter. L'adrénaline, drogue la plus dangereuse car naturelle, change de fonction. Violente, épique, aérienne et cruelle lors de l'attaque du village, elle devient plus diffuse, plus pernicieuse au bout du fleuve. Entre temps, elle aura sauvé Willard et Chef d'un tigre ; elle aura en revanche fait perdre son sang-froid au jeune Clean, massacrant ainsi de pauvres viets sur leur bicoque.

 

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Coppola donne corps à un trip inégalé. Sa mise en scène monte en puissance de façon surprenante. Le plus spectaculaire arrive à priori dès la première demi-heure. En resserrant l'intrigue sur les passagers du patrouilleur, notamment Willard, Coppola érige un univers mental trouble. Les embuscades de flèches deviennent ainsi plus affolantes, les danses des playmates aussi. L'arrivée dans le monde de Walter Kurtz cloue un spectacle à la tournure incertaine. Milius aimait comparer Apocalypse Now à Homère, avec son cyclope et ses sirènes. Ils partagent ce goût du spectacle surréaliste et pourtant crédible. Tout est histoire d'infiltration. Willard se mue lui même en naïade maquillée. Mais c'est bien sûr la prestation hallucinée de Denis Hopper qui en dit le plus. En photographe agenouillée aux pieds du gourou Kurtz, il illustre la perversion de l'esprit la plus totale. Camé  jusqu'au bout des ongles, l'acteur en profite pour faire frétiller son œil vitreux, pour déblatérer sa philosophie évasive. Brando joue sur un autre tableau. Sorte de semi-dieu herculien, monstre mythologique au regard presque aussi puissant que la Gorgone, il glace ses interlocuteurs, leur tranche la tête, protège une tribu de l'asservissement américain. Toute la lutte protectrice des vietnamiens (et cambodgiens) s'en retrouve résumée : les Beach Boys ne doivent pas arriver. Le communisme n'était qu'un écran de fumée aux valeurs conservatrices des traditions.

 

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On en revient à la musique, aux sons, à l'ambiance unique pour l'époque d'un film qui ne fait pas dans l'ethnologie. Apocalypse Now se concentre sur le mental en prenant en compte un environnement de plus en plus hostile. Les cris des soldats et des civils s'avèrent la meilleure illustration de la désolation humaine de la guerre. La gouaille ravageuse de Duvall résume l'attitude cynique et imposante d'une Amérique bombant le torse. Restent surtout en tête l'écho de la voix de Marlon Brando, visage dans la pénombre, presque omniscient par son savoir intimement lié à la voix off fondée sur une (dé)construction mentale complexe. Sans crier gare, Apocalypse Now scrute en profondeur l'intérieur humain perdu, défié par ses sens. Et c'est pour avoir su être aussi lisible aux yeux de tous en dépit de sa richesse que le film de Francis Ford Coppola jouit aujourd'hui d'une réputation flamboyante. Ça s'appelle un grand film.

 

 

Dans la deuxième partie, nous reviendrons sur les bonus du Bluray et notamment sur le documentaire Hearts of Darkness, vecteur parfait de l'enfer du tournage.

 

Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola, avec Martin Sheen, Marlon Brando, Robert Duvall (U.S.A., 2h34 en version d'origine, 3h22 en version Redux, 1979)

 

La bande-annonce de Apocalypse Now :

 


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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 19:31

L'amour fou

 

En collaboration avec Cinetrafic

 

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Cassavetes travaille avec le même culot que Mabel vit en société, avec une liberté qui dérange.

 

Nous n'en sommes pas encore à la prosternation iconodoule de Gloria que John Cassavetes trouve déjà en sa femme, Gena Rowlands, le réceptacle de son cinéma au firmament. Depuis Un enfant attend, la collaboration avec son épouse devient essentielle. L'un de ses rôles les plus marquants, auréolé d'un Golden Globes en 1974, dans Une femme sous influence, illustre parfaitement la liberté créatrice du cinéaste. Admiré notamment par Martin Scorsese, ayant aidé à la diffusion, Une femme sous influence concentre toute l'énergie du jeu d'acteur tel que le concevait Cassavetes. Bien que les dialogues furent écrits au préalable, le cinéaste laissait libre l'acteur de s'imprégner du personnage. Cela s'en ressent dans les mouvements, la spontanéité et les intentions les plus infimes. Le rythme de ces scènes à table n'en sont que plus puissantes. La cacophonie outrepasse les règles de bienséance.

 

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Femme fragile, Mabel apparaît au yeux de ses proches comme folle. Un soir où son mari ne rentre pas du travail, elle craque. Cette espèce de fil fragile de la santé mentale d'une maniacodépressive affole d'autant plus qu'elle fait fi des obligations sociales. Si les crises de nerfs, les mimiques corporelles confinent un peu à l'absurde, le regard avec lequel le monde extérieur (c'est-à-dire les proches) la scrute dubitatif en dit long. La folie douce devient un problème clinique dès lors que la mère, le voisin ou le médecin pense qu'il faut interner. Une femme sous influence raconte avant tout la vie d'un couple, de leur enfant et de cette manière de surmonter les obstacles. Le reste ne compte pas, surtout pas cet employé faisant une chute grave, ni les conséquences d'une journée d'école manquée. La vie passe par le présent, le regard tendre et inquiétant. Aucun personnage n'offre une empathie totale mais aucun non plus ne crée de répulsion.

 

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Cassavetes filme son drame familial comme un film d'horreur dans ses instants les plus tendus. La confrontation avec le médecin lors de la crise de nerf l'illustre plus que tout. Le montage aux inserts appuyant les effets s'ajoute à des gigotements de Mabel. Elle va jusqu'à faire un crucifix avec ses doigts, comme si le médecin était le Diable à combattre. La belle-mère en rajoute avec sa voix haut-portée, les murs de la maisons voudraient parler. Processus amené subtilement par l'errance mentale d'une femme alpaguant les passants pour avoir l'heure, tel un prophète des jours sombres. Et puis, il y a cette danse des cygnes. Souvent mal à l'aise, le spectateur agit par l'intermédiaire du mari. Peter Falk incarne donc Nick, époux travailleur, tantôt tendre tantôt explosif. Le film décrit le lent basculement d'un homme convaincu par tous qu'il faut hospitaliser sa femme. Falk récupère surement les plus tendres scènes. Lorsqu'il appelle Mabel pour annoncer qu'il ne rentrera pas, lorsqu'il passe une journée avec ses mômes, lorsqu'il attend sous la pluie le retour de son épouse.

 

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Autant de passages illustrant un homme bon mais aux éclairs de violences glaçants. Une femme sous influence travaille en profondeur ces sentiments contradictoires. L'implication totale des acteurs s'en ressent et les longs plans du réalisateur permettent d'installer une émotion durable. Cassavetes est comme ses personnages, il a le courage de refuser la pression sociale. Lui se refuse à une histoire centrale. Il laisse dérouler les rapports homme/femme. Un peu comme chez Chabrol, les repas revêtent une importance capitale, bien que moins protocolaire. Qui est le plus fou de tous ? Mabel ? Pas sûr. La hargne avec laquelle s'abattent tous ces vautours du diktat social n'effraie t-il pas plus que la perte de contrôle d'une femme dévouée ? La réponse vient encore de la bouche d'un des enfants. Sa mère lui demande s'il la trouve cinglée : « non tu es intelligente, belle et nerveuse aussi ». Sages paroles.

 

Test dvd : La bande-annonce originale permet de mesurer à quelle point le travail visuel a été remasterisé. Si on sent toujours la patte d'un film indépendant des années 70, la qualité globale demeure plus confortable pour les yeux. Parmi les rares bonus, notons une introduction optionnelle au film de l'historien du cinéma Patrick Brion. Dispensable, ce petit choix introductif rend d'autant plus pédagogique l'appréhension d'un cinéaste trop méconnu du grand public.

 

Dvd disponible chez Ocean Film


Une femme sous influence, de John Cassavetes, avec Gena Rowlands, Peter Falk, Matthew Cassel (U.S.A., 2h20, 1974)

 

La bande-annonce de Une femme sous influence :

 


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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 19:41

Pitreries

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Le scénario de 1941 par le délirant Robert Zemeckis accouche d’une œuvre parodique et hilarante. C’est paradoxalement le pire échec de la carrière de Steven Spielberg.

 

Le réalisateur de Arrête-moi si tu peux a toujours eu un gout prononcé pour l’humour. Dans la majorité de ses films, il parsème ici et là des touches comiques. De la victime du T-Rex dans ses toilettes pour Jurassic Park aux pitreries d’Harrison Ford dans les Indiana Jones, les exemples ne manquent pas. Film méconnu du célèbre producteur-réalisateur hollywoodien, 1941 est surement son film le plus délirant. L’un des plus aboutis aussi. Son implantation aux lendemains de Pearl Harbour se moque allégrement de la paranoïa américaine. Il rend alors un hommage amusé à tout un cinéma d’époque. Des japonais égarés dans leur sous-marins essaient d’attaquer Hollywood pendant que les soldats se préparent aux éventualités les plus loufoques.

 

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Série B délirante, 1941 atteint même des cimes comiques dans ses hommages au burlesque d’époque dans une gigantesque bagarre de soirée dansante. On jurerait voir Charlie Chaplin ou Buster Keaton se dépatouiller de leur gaucherie. On se délecte aussi de Robert Stack (Les incorruptibles) en larmes devant Dumbo pendant que les combats grondent dehors ou de John Williams autoparodier sa musique des Dents de la Mer. Les hommages au cinéma n’ont jamais été aussi visibles chez Spielberg qu’ici. « Tu te prends pour Errol Flynn » se moque l’épouse d’un citadin prêt à en découdre. En vrac, on aperçoit aussi John Landis, Mickey Rourke, mais surtout Christopher Lee et Toshirô Mifune respectivement en nazi et capitaine nippon autoritaire de sous-marin. Si l’histoire veut que John Wayne refusa de jouer dans le film pour « anti-patriotisme », le délire complet du long-métrage illustre tout de même le cocon surréaliste d’Hollywood à cette époque.

 

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Drôles au possible, les pitreries de ces anti-héros furent un échec immense au box-office. Les spectateurs sont donc passés à côtés d’une fan d’avions qui aime monter au septième ciel, des tireurs d’élites du haut d’une grande roue, d’un prisonnier politique dans un sous-marin peu étanche, d’acrobaties aériennes kitchs mais épiques, d’explosions à tout-va, d’une reconstitution des avenues d’Hollywood magnifiques. Bref un beau bordel jouissif, décomplexé où les acteurs s’en donnent à cœur joie. Spielberg a rarement fait mieux.

 

1941 de Steven Spielberg, avec Dan Aykroyd, Ned Beatty, John Bellushi (U.S.A., 1h58, 1979)

 

La bande-annonce de 1941 :

 

 

 

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 18:56

Portraits de familles

 

En collaboration avec Cinetrafic

 

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A tord considéré comme un film de gangsters, Mean Streets marque durablement le cinéma en faisant confiance à une jeune génération issue de l'immigration italienne. Un film sur un quartier et ce qui en découle où la caméra impose son poids.

 

Un an après le choc de Le Parrain, Scorsese brise définitivement un tabou : les italo-américains seront joués par de acteurs originaires de la botte. Un constat banal pour un spectateur du XXIème siècle mais une petite révolution à l'époque. Le duo Le Parrain/Mean Streets caractérise l'émancipation de toute une génération (Pacino, Keitel, De Niro) face à l'ancienne garde (Douglas) un peu comme les noirs s'émancipèrent au cinéma par la blaxploitation. Si Mean Streets demeure l'un des meilleurs films de Scorsese, c'est avant tout par cette capacité de récit d'un quartier, d'une époque, d'un mode de vie. Le film s'apparente à une synthèse parfaite entre la maitrise du cinéaste et une forme de liberté dans le jeu.

 

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Quand Keitel écoute le baratin de De Niro dans l'arrière-cours, s'exprime alors la quintessence d'une génération. Celle des fils d'immigrés, chapardeurs de fruits aux étalages et fouineur d'argent facile. Trop souvent considéré comme un film de gangster ou de mafia, ce film n'en a pourtant pas tous les atours. Certes, certains personnages trafiquent un peu mais la violence et les meurtres y sont très rares. Ils ne constituent que peu des clés de voute du récit. Scorsese y expose plutôt son enfance. D'abord par la religion. Lui qui pensait devenir prêtre construit Charlie (Harvey Keitel) sur la crise spirituelle. En découle l'idée que la pénitence par la prière ne suffit pas, que l'on se rachète par les actes. Mean Streets, c'est avant tout l'histoire de quatre jeunes chiens fous qui se rêvent une belle vie. Jamais Scorsese ne cherche à en faire des Parrains, des grands pontes de la drogues ou des génies de leur temps. Ils évoluent dans un milieu où le regard des familles prévaut.

 

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Charlie, dans sa quête d'une vie apaisée, prend le risque de fricoter avec Teresa, considérée comme folle. Il tente d'aider le turbulent Johnny Boy (l'un des plus beaux rôles de Robert de Niro). Une relation difficile s'établit entre les deux. Le premier cherche à trouver une stabilité quand le second, autodestructeur, va jusqu'à tirer du haut d'un toit sur les lumières de l'Empire State Building. Comme si cette jeunesse d'en bas ne savait pas trop comment échapper à sa condition où la corruption règne. Par cette question, Scorsese développe une relation christique du personnage de Keitel qui fait la morale à Johnny Boy comme Jésus parlait à ses disciples. Trop d'obstacles s'opposent à une résolution saine de leurs conditions. Trop prompts à aboyer, pas assez méfiant, ces personnages foncent dans le mur.

 

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Plus que leurs conditions, Mean Streets dépeint tout un quartier : Little Italy. Même si en réalité tous les intérieurs furent tournés à Los Angeles (sauf les couloirs selon le réalisateur), le travail de reconstitution fascine. Plus qu'une qualité esthétique, c'est tout Little Italy qui devient un personnage central. Le bouillonnement de quartier se trouve poussé à son paroxysme par le carnaval. Et là où Scorsese fera par la suite une utilisation toujours plus désincarnée de sa maitrise de mise en scène, Mean Streets laisse gagner en ampleur les essais stylistiques, ne cherche jamais à faire oublier la présence d'une caméra qui capte ces instants. En clair, elle a un vrai poids, elle s'incarne sur les lieux, ne se permet de pas voler pour un point de vue omniscient comme dans Casino. Elle subit aussi l'alcool, la crainte, le voyeurisme. Sa fibre presque documentaire est un œil curieux sur les alcôves et autres recoins. De ce papier couleur ressort le fureur des bars, la sensualité des filles, les magouilles d'argent et le regard bienveillant des anciens.

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Jukebox géant, le film se structure autour de musiques, quelque part entre les Rolling Stones, The Ronette et Eric Clapton. La mise en scène a besoin de celles-ci pour les couleurs, pour l'intensité, pour un certain humour aussi (la baston dans le bar montre le peu de sérieux des combats mais aussi la corruption facile envers les flics). Après la prêtrise, Marty se dirigea vers l'enseignement du cinéma. Pas étonnant d'y retrouver des images de la Prisonnière du désert et de La tombe de Ligeia. Malgré cette hommage respectueux, Mean Streets ouvre une nouvelle voie, celle de l'ultime étape de l'intégration des italo-américains. Si les rêves brisés des héros du film s'apparentent à la fin la plus pessimiste qui soit (le reniement inévitable de son milieu est comme une petite mort), la montée vers les sommets de Marty prend le pas. Des rues de Who's That Knoking Doors et de Taxi Drivers, son cinéma de bandits se dirige vers la grand banditisme au dessus de la plèbe (Les Affranchis, Casino).

 

 

Mean Streets, de Martin Scorsese, avec Harvey Keitel, Robert de Niro, David Proval (U.S.A., 1h50, 1973)

 

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Test Bluray + mini critique de Italianamerican :

 

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La réédition en bluray apporte un coup de jeune agréable en terme d'image. C'est par la foison de bonus que cette édition détonne. Des entretiens audios avec Scorsese à une visite guidée de Little Italy, les compléments sont plus que plaisant. Les explications du critique Kent Jones apportent aussi beaucoup à la relecture de ce film majeur, avec en point d'orgue le court-métrage Italianamerican dont voici une mini critique :

 

 

« Pourquoi tu te donnes un genre avec ton accent ? » Charles, le père de Marty râle gentiment. Lui et sa femme Catherine (la mère de Scorsese donc) passent au crible de la caméra de leur fils de réalisateur. Intimement lié à Mean Streets, Italianamerican (réalisé juste après) fait parti du bluray. A coups d'anecdotes familiales, la famille Scorsese se livre au jeu de retracer le parcours d'une famille. Plus que ça, c'est toute la fibre d'un quartier qui revit. Le couple parental oublie très vite le subterfuge de la caméra et se livre sans complexe. Lui s'affale sur le canapé pendant qu'elle ne pense qu'à réussir ses boulettes de viandes plutôt que de répondre précisément. Entre mode de vie et souvenirs de l'enfance, ce petit film de près de 50 minutes parvient à capter une époque. Un document passionnant, souvent amusant, parfois émouvant. Martin semble en apprendre autant que nous. De l'arrivée des italiens à New-York aux tensions avec les irlandais, moult sujets y passent. Sans grande logique d'enchainement, Marty fait confiance à l'éloquence de ses parents, à la puissance de l'instant.

Italianamerican permet de mieux cerner l'environnement dans lequel a baigné le cinéaste. Le peu de mobilier et les images d'archives attestent à quel point ses films prennent source dans son enfance. Un petit portrait de l'Amérique en somme.

 

 

Sortie du Bluray le 6 avril chez Carlotta Film

 

La bande-annonce de Mean Streets :

 

 

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