Rayons de soleil et de bicyclette
En retravaillant leur façon de procéder, les doubles palmés d'or belges tentent de rafraichir leur force documentaire. Mineur, imparfait mais attachant.
Tachons de ne pas trop écraser sous le poids des précédents films des Dardenne ce Gamin au vélo. Alors évacuons tout de suite le problème en clamant que le film n'a ni la force, ni le pessimisme vigoureux de Rosetta ou L'enfant. Et pour cause, les belges innovent par petites touches leur cinéma. Plus lumineux malgré un sujet grave, Le gamin au vélo trouve la voie de l'émotion douce. Un titre faussement simple, directement référé au grand Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica. Chez ce dernier, la recherche du vélo servait de fil directeur à l'exploration sociale, quasi documentaire, de l'Italie d'après-guerre. Figure emblématique du néo-réalisme, cette référence offre un paradoxe relatif du nouveau travail des Dardenne.
Car si les bases de leur méthode restent inchangées, le duo s'éloigne légèrement de cette veine réaliste. D'abord par un découpage plus pointu. Le film se concentre sur son héros, Cyril, à la recherche de son père et qui franchit les étapes en roulant à vélo. Ainsi, on le voit s'échapper de l'école, rechigner à obéir dans le centre, grimper aux murs, se laisser embarquer par un loubard... La vitalité débordante du gamin et les ellipses obligent à plus de changements de cadres. Déraciné, l'enfant ne tient pas en place, hurle, court, injurie, mord. La caméra vieille sur lui, sous le regard circonspect et inquiet du spectateur impuissant. Dès que les Dardenne se décadrent de Cyril, c'est pour filmer des proches désemparés, incapables de gérer un mioche meurtri.
Autre innovation qui éloigne Le gamin au vélo des postures réalistes : l'utilisation d'acteurs professionnels. Si Olivier Gourmet et Jérémie Renier viennent plus rendre un petit hommage aux réalisateurs les ayant révélés, le rôle offert à Cécile de France a de quoi surprendre. Certes l'actrice s'en sort très bien. Or, l'articulation Dardenne/acteur pro déroute un peu. Comme si la fusion n'était plus totale. La fibre documentaire perd de son sens. Rossellini engageait pourtant bien Ingrid Bergman. Mais ici, un petit truc manque. Reste la prestation du jeune Thomas Doret, aussi touchant qu'exaspérant, aussi brutal que tendre. Par l'utilisation inédite d'une musique en BO, les Dardenne adoucissent leur propos et concluent sur un timide espoir guidé par les rayons.
Le gamin au vélo, de Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Renier (Bel., Fra., It., 1h27, 2011)
La bande-annonce de Le gamin au vélo :