Qu'a raté Kid ?
Sorties estivales obligent, les studios goinfrent le public de films familiaux et frais. Passer de frais à frileux en achevant un cinéaste déjà en difficulté, pas cool. Mais Shyamalan ne peut s'en prendre qu'à lui même. Chronique d'un désastre.
On le savait mal en point (artistiquement parlant) M. Night Shyamalan. Bien vu des studios, l'indien de Pondichéry nous a quand même pondu l'horrible Phénomènes dernièrement. De sa filmo ne survit que la première heure du Village et Incassable. Le reste, malgré de bonnes idées, souffre d'une terrible carence dans la manière de tenir un scénario potable jusqu'au bout ainsi que de maladresses récurentes. Pour se remettre sur les rails, le réalisateur de Sixième sens (le film qui fait un peu peur le 1er coup, puis rire de honte la seconde fois) s'attaque à l'adaptation de la série Avatar, changé en The Last Airbender (Le dernier maitre de l'air en français). Rien à voir avec la pompe à fric de James Cameron, on parle d'un dessin animé traitant de l'équilibre du monde à travers les quatre éléments : l'eau, l'air, la terre et le feu.
Un sujet possiblement écologique en filigrane, un peu dans la continuité de Phénomènes. Sauf qu'il n'est jamais vraiment abordé. Le titre Le dernier maitre de l'air illustre bien la veine épique voulue, dans la continuité d'un Narnia. Un plantage dans les plus grandes lignes, tant rien ne fonctionne. La 3D d'abord, d'une inutilité confondante, appuie le syndrome « feuilles de papiers superposées » accréditant une fois de plus que la mode au relief est une vaste blague qui coute cher. Si seulement il n'y avait que ça. La saga s'appuie sur une chorégraphie pointue des combats. En d'autres termes, un maitre des éléments se lance dans des danses proches des arts martiaux asiatiques pour déclencher ses attaques. Une bonne idée aurait consister à jouer réellement de ces amples mouvements pour donner une rythmique au film proche d'une spectacle de danse contemporaine. Dans les faits, cela ne fait que ralentir une action déjà bien mollassonne. Les combats ressemblent plus à des feuilles-pierres-ciseaux géants (remplacés par flotte, flammes, cailloux, vent).
A peine a t-on droit à de beaux effets spéciaux et quelques zooms violents sur des acrobaties ralenties pour cacher la misère de la mise en scène. Divertissement familial correspond bien pour le coup avec impersonnalité de l'œuvre. On peut reprocher beaucoup de choses à Shyamalan mais sûrement pas celle de tenter d'y ancrer une ambiance, un rythme spécifique. Le plus désolant de ce Dernier Maitre de l'air consiste donc à abattre la dernière parcelle de personnalité de l'indien. La faute à un scénario visiblement ultra-coupé. L'ellipse temporelle se mue en incohérence honteuse pour qui aurait passé la première année de cours optionnel de cinéma au lycée. Au plus criant des incohérences, les personnages changent d'avis, certains apparaissent à l'écran sans raison. Et puisque cette citrique ressemble au final à un procès en règle, sans possibilité pour le défense de s'exprimer, n'oublions pas les prestations calamiteuses des acteurs.
En premier lieu le duo de frère et sœur joués par Jackson Rathbone (Twilight déjà à son panthéon, le veinard) et Nicola Peltz (un petit air d'Anna Popplewell dans Narnia d'ailleurs) jamais convaincants dès qu'ils ouvrent la bouche. Seychelle Gabriel en princesse au cheveux blancs hérite d'un rôle imbuvable ; le déjà très médiocre Dev Patel de Slumdog millionnaire se tire une balle dans le pied. Reste Noah Ringer dans le rôle principal. Malheureusement, à part gonfler outrageusement ses narines et déclamer maladroitement ses répliques, il n'arrive à rien, hormis quelques pas de danses à la grimace travaillée. Shyamalan se vautre à un tel point que l'on craint pour lui de devoir s'enfermer à faire les deux suites prévues. On craint aussi que ce raté ne vampirise les spectateurs outre-mesure.
Le dernier maitre de l'air, de M.Night Shymalan, avec Noah Ringer, Dev Patel, Nicola Peltz (U.S.A., 1h43, 2010)
La bande-annonce de Le dernier maitre de l'air :