Esprit es-tu là ?
Après le catastrophique La horde, un nouveau film de genre français, bien plus ambitieux, débarque le 11 aout dans les salles. Une belle tentative pas exempte de tout reproche.
Rares sont les films sur la guerre d'Algérie. Le public n'a malheureusement retenu que le très démago Indigènes, coquille vide sans la moindre idée de mise en scène et au scénario bancal. Heureusement, L'ennemi intime de Florent Emilio Siri relevait le niveau dans ce mélo de guerre avec la torture en toile de fond. Plus anciennement, on se souvient que Le petit soldat de Godard connu la censure. Avant-gardiste malgré lui, le film se délocalisait pourtant à Genève mais traitait de manipulation politique. Avec Djinns, le couple de réalisateurs Sandra et Hugues Martin se penche lui aussi sur ce conflit trop peu traité. Sous prétexte de pondre un film de genre dans le désert, Djinns nous en montre bien plus qu'Indigènes sur les rapports soldats/civils et la hiérarchie militaire.
A savoir un détachement armé, parmi lesquels les fines fleurs de la jeune génération d'acteurs français (Aurélien Wiik, Cyril Raffaelli, Gregoire Leprince-Ringuet). Une bande dirigée par Thierry Frémont qui montre qu'il est le chef. Dans ce premier segment, Djinns ressemble à un film de guerre sauvage, aride et sablonneux. Le travail photographique fait des miracles tant l'ocre des décors s'efface pour offrir une pâleur chatoyante. Très vite, la tournure des événements amène les soldats dans une cité perdue, où quelques femmes vivent avec leurs enfants. L'ensemble bascule dans l'horrifique psychologique. La figure du Djinns n'apparait que pour intégrer la folie au cœur de ces hommes. Une bonne idée sous-exploitée, surement due au montage, tant ce mythe de la culture arabe n'intervient que secondairement. Dommage car leur création numérique est plus que convaincante.
Avec très peu de moyens, les réalisateurs ont réussi à donner corps à ce désert maudit, tant par les effets spéciaux qu'avec le travail esthétique de chaque plan. Une contrepartie au vide scénaristique mis en place, le principal défaut de Djinns. Il n'a finalement pas grand chose à raconter. La perte de contrôle est effleurée et réduite à la folie meurtrière pendant que les rapports humains, aussi bien côté français qu'algériens, laissent mille questions en suspens. A ce titre, les rapports latents au politique tombe plutôt bien mais la tension ne marche guère. D'où ce paradoxe qu'il aurait fallu ajouter de la bobine pour en raconter plus alors que le résultat ainsi offert peine à garder toute notre attention.
L'autre gros point noir s'appelle Gregoire Leprince-Ringuet, très médiocre dans un rôle de dur à cuire. Sa voix trop douce et perchée ne laisse pas croire que ce jeune « troufion » (expression pour dire un soldat, je ne l'insulte pas) puisse avoir tant d'importance. Si le reste du casting s'en sort mieux-hormis la gardienne des lieux-, cette erreur de casting plombe le film. Reste à encourager le film de genre dans nos contrées, tant c'est un style délicat malmené par la frilosité des exploitants. Si les carences n'étaient pas aussi béantes, on aurait pu ne retenir que le positif. On reste plutôt sur un sentiment mitigé.
Djinns, de Sandra et Hugues Martin, avec Gregoire Leprince-Ringuet, Thierry Frémont, Saïd Taghmaoui (Fra., Mar., 1h40, 2010)
Sortie le 11 août
La bande-annonce de Djinns ci-dessous :