Pouvoir ébréché
L'univers de la politique italienne, très hermétique, cache pourtant nombres d'affaires de corruptions et de collusions. Il Divo cherche à faire la lumière sur l'une d'elles. Sans succès.
Paollo Sorrentino entame plutôt bien Il Divo. Sorte d'opéra-rock au vitriol, les premières minutes s'égrènent avec un style pompeux assumé. Ça donne de jolis plans parfois très inspirés. Les sous-titres d'explications s'ancrent de fait dans les décors, les gueules guignolesques des personnages laissent penser aux meilleurs moments des frères Coen. Cet excès de style interroge très vite pourquoi cette lourde introduction écrite remplie d'explications de textes et de contextualisation didactique. Ce n'est qu'au bout d'une heure, avachis par temps de brouhahas scéniques que l'on constate, trop tard, qu'Il Divo est incompréhensible au commun des mortels.
Entendre par là tout être humain non formé à la politique italienne des années 1980-90. Vous conviendrez que ça réduit considérablement le champ du public réceptif au film. Il Divo se penche tout particulièrement sur le cas Giulio Andreotti, grand ponte de la politique italienne. Président du conseil depuis des lustres, il se retrouve Président de la République et plus ou moins mêlé aux plus sombres affaires politico-financières du pays. Sorrentino n'y va pas de main morte. Il tacle l'Église, les politiciens, les fonctionnaires de cabinets sur le ton populiste et réducteur « tous des pourris ». Si la dénonciation ne fait que retranscrire les faits sur le bien fondé d'éléments concrets, la mise en scène obscure et les tics auteuristes noient le poisson dans un océan d'effets de styles inutiles.
Il Divo se veut une farce gigantesque où les personnages sont dépeints avec arrogance ; caricature des pires êtres possibles. Leur train de vie coupé des réalités dans des palais huppés et des réceptions coincées les rapprochent des cours royales autarciques pendant que le peuple gronde- au hasard le Versailles de Louis XVI. La démocratie n'est qu'une façade laissant libre cours à l'enrichissement personnel d'une poignée de privilégiés à l'égo démesuré. Rien de bien nouveau en somme. C'est bien là l'autre vrai problème. Sorrentino n'apporte jamais sa pierre à l'édifice. Le manque de lisibilité politique ne fait qu'attiser une foule de clichés tous plus viraux les uns que les autres. On en vient à regretter la stylisation outrancière car elle vient inévitablement servir de placebo aux carences sur le fond.
Jamais on ne retrouve l'humour pince sans rire des Coen, le parti pris lasse très vite. Encore plus regrettable, la film se coupe de la vision populaire en voulant dénoncer cet écueil. Effet pervers assez courant. En clair, là où Gomorra sur tous les points parvenait à retranscrire la gangrène de la mafia, jamais on ne saisit ici les conséquences concrètes des agissements des politiques. C'est comme si Il Divo montrait des criminels s'entretuer. Tant pis pour eux, mais quel est le problème pour le citoyen ? Gomorra illustrait les problèmes du quotidien aussi bien financiers, moraux que sanitaires de telles organisations plus ou moins légalement établies. La difficulté de construction étatique saine chez les compères de Berlusconi (ici un fantôme que le cinéaste n'a pas eu le courage de faire apparaître, malgré son rôle évident) monopolise un peu trop le cinéma italien. Quand il est extrêmement bien amené comme Gomorra- et au talent de Saviano-, ça passe, sinon, on préfère soit la comédie sympathique comme le Déjeuner du 15 août soit la belle fresque historico-tragique de Vincere.
Il Divo, de Paollo Sorrentino, avec Toni Servillo, Anna Bonaiuto, Giulio Bosetti (It., 1h58, 2008)
La bande-annonce de Il Divo ci-dessous :