Jeanne (Emilie Dequenne) est jeune, belle, a une vie de famille calme. Sa mère (Catherine Deneuve- parfaite comme toujours) l’aide pour trouver un emploi. Pourtant, un jour, la jeune fille fait croire à une agression antisémite. L’affaire, inspirée d’un fait réel ayant fait grand bruit en 2004, est ici prétexte à une étude de cas d’une jeunesse en mal d’identité. Téchiné ne concentre pas son film sur le mensonge, mais imagine une vie, des circonstances à tout ce chahut. Une mère omniprésente, un amour déçut, des difficultés à trouver un emploi. Jeanne est mal à l’aise, elle roule sans compter le long des quais de Seine. Mais le réalisateur ne fait pas de liens de causalités directes. Il ne lance que des pistes, au spectateur de l’apprécier le plus juste jugement.
Le cinéma de Téchiné s’est toujours appuyé sur le naturel de ses acteurs, de montrer à nue (au sens comme propre et figuré) les émotions. Tout en plan serré, la caméra offre une intimité sans égale. Pour preuve cette magnifique scène de rapprochement par webcam entre Jeanne et Franck (Nicolas Duvauchelle). Et puis, il y a ce passage d’automutilation où tous les gestes semblent dépourvus d’une quelconque volonté mais est juste guidée par un mouvement mécanique. A ce moment, Téchiné brise en deux plans toutes les théories que l’on pouvait fomenter sur ce mensonge. Le réalisateur nous balade.
Il cherche plutôt à dénoncer la tournure démesurée des évènements. Car, si la jeune fille a menti, ce sont surtout les médias, la police et les politiques qui ont monté cette affaire en relayant des informations avant même de prendre le soin de les vérifier. Les seconds rôles servent alors d’alibi, parfois un peu bancal, pour étayer ce point de vue. Michel Blanc et Matthieu Demy, respectivement père et fils Bleistein, juifs peu croyants n’en sont pas moins militants. Bleinstein est de loin lié à la famille de Jeanne et cette affaire. Ils servent à illustrer une sorte de défenseur de la judaïcité libre, sans préjugée, dégagée du traumatisme de la Shoah, anti-communautaire, et défendant des idéaux des plus républicains. Ce mélange des gens pourraient être gênant, il ne l’est pourtant pas. Tout se tient relativement bien et La fille du RER arrive à nous emmener là où il veut, tout en laissant sa part de mystère. Le spectateur seul juge : une position inconfortable pour le citoyen que l’on est.