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5 juin 2010 6 05 /06 /juin /2010 22:31

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Kurosawa ou comment maitriser à la fois le film historique ampli de symboles contemporains et la maturité esthétique et narrative digne des grands noms de l'art. La réponse est à extraire de l'essence même de ce film.


Les sept samouraïs nous plonge dans un Japon du XVIe siècle empli de féodalité et de brutalité. Un petit village menacé par des bandits engagent des samouraïs afin de les protéger. Cette fresque de plus de 3h s'immisce dans une société certes archaïque mais pas sans lien avec le Japon de la seconde moitié du XXème siècle. A ces deux époques, la figure de l'ancien est primordiale, le sort de la famille prime. Ainsi, le doyen du village, figure respectée, se révèle non seulement de bons conseils mais surtout rusé. Il anticipe les attentes des samouraïs et fait profiter au village son expérience. Ça, c'est pour l'aspect positif de la société décrite. Niveau négatif, on découvre une forme de fermeture sociale entre les classes. Impossible pour une femme de s'enticher d'un samouraï. Le sacrifice au collectif y est aussi montré. Vingt ans après le traumatisme de la seconde guerre mondiale, les sept samouraïs tente de réhabilité le sacrifice comme acte fondateur de la société. Le suicide n'existe pas, et quand un des samouraïs agit en solitaire, il se fait réprimander. « On combat en équipe », invective le sensei Kanbei.


article-les-sept-samourais-2.jpgPar son rythme très lent, le film dépasse le simple statut de western oriental. La première heure se concentre sur le recrutement des combattants, affinant le profil de chacun. La deuxième heure se penche sur la tactique et l'attente. Dans cette dernière composante, la lenteur du film permet une forme de contemplation tendue. Les désaccords et les craintes se comprennent d'autant plus pour un spectateur qui attend et admire. L'assaut à proprement parlé ne vient donc que dans un troisième temps, hautement épique. Tout le long, les pilleurs rodent comme une menace fantôme, à tel point que l'on se demande s'ils vont vraiment venir.


 

Guerre épais(e)


article-les-sept-samourais.jpgL'héroïsme de ces guerriers est le thème central, dont la quintessence se nourrit en Kikuchiyo (l'inoubliable Thoshiro Mifune, un habitué de Kurosawa). Si la cohésion de groupe prime, un peu à la manière des films soviétiques, la marge de manœuvre des individualités permet une émancipation aussi enviables que dangereuse. Kurosawa illustre la hiérarchie au sein du groupe de samouraïs. Dès qu'ils apparaissent tous ensemble sur un plan, leur position et leur posture sont millimétrées. Autre sommet esthétique, la forêt. Le cinéaste la filme toujours aussi bien depuis Rashomon. Elle symbolise encore une fois l'au-delà dangereux. La sauvagerie supposée de cette région contraste avec l'espace douillet violé par les guerriers. Les villageois semblent un peu décontenancés par cette intrusion pourtant vitale. Sauf que les samouraïs sont montrés comme respectueux et nobles.


article-les-sept-samourais-3.jpgCet entremêlement de thèmes permet de brasser large niveau style. La comédie, le mélo, l'aventure s'invitent en plus des influences du western. Une filiation due à l'influence du cinéma américain sur le sol nippon. Entres autres références littéraires, le traitement des personnages fut tantôt rapproché de Tolstoï (Guerre et paix pour l'épique) ou Dostoïevski (sur la condition paysanne), tantôt Shakespeare. Mais c'est à nouveau du côté du cinéma soviétique qu'il faut se tourner. Le goût du spectaculaire sans esbroufe, agrémenté d'une musique épique fait penser à Eisenstein. La douceur poétique s'en fait aussi ressentir. Les corps mourant tombent sans bruit, dans un ralenti somptueux. Et comparé à l'image de Rashomon, les sept samouraïs ont une qualité bien supérieure. Peut-être une différence de traitement inhérente au succès immense de ce film. Tellement aimé à sa sortie que Les 7 mercenaires, la version américaine du film, sort 5 ans plus tard. On en reparle bientôt.


Les sept mercenaires, d'Akira Kurosawa, avec Takashi Shimura, Toshirō Mifune, Yoshio Inaba (Jap., 3h20, 1955)


La bande-annonce de Les sept samouraïs ci-dessous :

 

 


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1 juin 2010 2 01 /06 /juin /2010 13:41

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Célèbre film ayant fait exploser la carrière de Kurosawa en Occident, Rashimon conserve une certaine modernité et une force assez inouïe.


Véritable figure de proue historique du cinéma asiatique, Akira Kurosawa renoue avec le succès en 1950 en sortant Rashomon. Une narration originale lui vaudra d'être tant copié que l'overdose guette. Le principe du film consiste à diviser en 4 une même histoire dont les points de vues des protagonistes changent la véracité des faits. Le cadre narratif devient alors l'élément perturbateur. On connait désormais ça avec une avalanche de productions diverses et souvent médiocres. Conséquence bien malheureuse, la fraicheur de Rashomon semble périmée. Non pas que l'histoire ne passionne pas, bien au contraire, mais impossible soixante ans après de ressentir toute la vigueur originelle. Impossible de réellement saisir par sensations ce qui rendit Kurosawa si célèbre en Occident.


article-rashomon.jpgReste à profiter de ses yeux de lynx, à admirer la maitrise du cinéaste dans le découpage. Reste aussi à admirer l'éclairage. La vieille bande permet d'appréhender ce film comme une œuvre de l'histoire de l'art. Celles dont on s'émerveille sans trop savoir pourquoi au début, dans une vague ritournelle un peu réact' où l'on se dit « ils étaient fort à l'époque ». On s'amuse de la direction d'acteur, volontairement outrancière et surexpressive. Pourtant, Rashomon n'a pas tant vieilli que ça. Déjà car l'éclatement de l'histoire reste très maitrisé. Résumons. Un homme est retrouvé mort dans une sombre forêt. Plusieurs points de vues en procès divergent : celui du suspect principal, celui de la femme et celui de l'esprit de la victime. En deuxième couche s'ajoute le récit d'un bonze et d'un bucheron. Tout cet entremêlement reste pour autant incroyablement lisible.


Ainsi, un procès s'ouvre. Kurosawa simplifie le procédé en mettant le témoin face caméra, rendant le spectateur seul juge de se qu'il va entendre. En contrepartie, le récit fourmille de subtilités. Il est histoire de meurtre, de viol, de suicide et de déshonneur. Où est la vérité ? La tension maximale tient pendant les 85 minutes grâce à une ambiance sombre. Les éclairages contrastés de la forêt avec la robe blanche immaculée de la femme mettent en valeur l'art de jouer sur les apparences et la fausse piste. On découvre alors une forme de perversion, où les personnages, enfermés dans leur honneur, préfèrent travestir la réalité que de perdre la face.


article-rashomon-2.jpgLe Japon du XIe siècle apparaît comme patriarcal et misogyne. Seulement, la figure féminine n'est en rien lisse et exempte de reproches. Kurosawa dénonce surtout une société japonaise du XXe siècle encore trop archaïque. La forêt, lieu de sauvagerie, symbolise la bestialité humaine sans vergogne. Mais aussi sa couardise. On peut aussi y voir une allégorie sexuelle par sa moiteur perpétuelle et sa chaleur étouffante. Le vaurien Tajomaru transpire d'ailleurs en permanence, luttant contre les moustiques. La femme devient objet d'un désir malsain. Rashomon demeure donc un pur régal, semblant daté de plusieurs siècles mais qui conserve une modernité étonnante. Un classique évidemment.


Rashomon, d'Akira Kurosawa, avec Masayuki Mori, Machino Kyo, Takashi Shimura (Jap., 1h25, 1950)


La bande-annonce de Rashomon ci-dessous :

 

 

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19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 15:55

 

affiche-les-feux-de-la-rampe.jpg

http://nicolasfurno.com/files/planc/50.png

Véritable adieu américain de Charles Chaplin, Les feux de la rampe raconte la bouleversante vie des artistes. Aussi touchant que Le Kid.

 

Attention, cet article dévoile des points clefs de l'intrigue.


Ambiance délétère au moment de la sortie des Feux de la rampe aux États-Unis. Le maccarthysme accuse Chaplin d'anti-américanisme et de communisme. Une sorte de crime à l'époque. Du coup, son nouveau long-métrage est présenté à Londres, et l'acteur/réalisateur dit adieu au pays de l'Oncle Sam. Un écho retentissent puisque son film parle de la déchéance de l'artiste. Ceux qui sont adulés un jour, brûlés en place publique le lendemain.


article-les-feux-de-la-rampe-3.jpgCarvello faisait jadis s'esclaffer les salles. Son numéro de puces capricieuses et ses petites chansons lui confèrent une allure de Charlot. Ce sont dans ces scènes que l'on assiste à une mise à mort poétique du mythique personnage. Chaplin se risque une nouvelle fois à troubler son public et crée moins un film comique qu'une œuvre grave, dans la lignée de Monsieur Verdoux. Et comme toujours, une belle femme crée l'intrigue. Ici, on découvre Terry, ancienne danseuse, paralysée mentalement des jambes. Ensemble, ils vont chercher à retrouver la gloire. Constatons l'indéniable avant-gardisme chaplinesque dans les rôles qu'il offre à la gent féminine. Elles étaient (et sont encore aujourd'hui) trop souvent résumées à femme de..., des dépressives ou des murs inamovibles. On ne les voit qu'en second plan. Chez le trublion au chapeau, elle savourent la vie, symbolisent tout un pan de la société, se retrouvent dans des histoires d'amours stimulantes.


Artistes maudis


article-les-feux-de-la-rampe-2.jpgLoin des clichés machos, Terry (Claire Bloom) se fait dorloter par un faux-mari au foyer, travaille, s'émancipent mais reste attachée à l'amour. Elle passe d'une tentative de suicide à l'acharnement au travail. Si elle pleure souvent, on y voit les fêlures de la vie, la force cachée du personnage. Carvello incarne presque le rôle en diapositive. Protecteur au début, il assiste la jeune femme pour finir par mourir sur scène tel Molière, sous les yeux de son fils Sydney (Neville dans le film), à qui il semble vouloir passer le flambeau. Le tout dans une admiration pour cette belle brune qu'il aimait platoniquement. Carvello synthétise l'intégralité de la carrière de l'acteur. Son sourire de fleur renvoie au Chaplin du Cirque ou des Lumières de la ville, son aspect philosophe sage à Monsieur Verdoux et ses pitreries aux plus beaux jeux comiques qu'il nous ait offert.


Une plénitude se dégage de tout ça. Les situations drôles restent chargées de tristesse et d'espoir créatif. Apogée atteint dans ce final magistral avec le grand rival Buster Keaton. L'opposition de style se marie et la chute de Chaplin concrétise cette fusion entre l'humour et le tragique. Chaplin veut nous faire voir la cruauté du monde des artistes mais aussi l'exigence du public. Comme s'il craignait le désamour. Seulement, Chaplin garda jusqu'à sa mort cette cote d'amour. Il faut vraiment (re)voir ses films pour comprendre pourquoi cet homme était un génie au grand cœur.

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Les feux de la rampe, de Charlie Chaplin, avec lui-même, Claire Bloom, Sydney Chaplin (U.S.A., 2h14, 1952)


Articles liés :


- Le kid (1921)

- La ruée vers l'Or (1925)

- Les lumières de la ville (1931)

- Monsieur Verdoux (1947)



La bande-annonce des Feux de la rampe ci-dessous :

 

 

 

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25 novembre 2009 3 25 /11 /novembre /2009 12:27

http://nicolasfurno.com/files/planc/45.png

Un film mythique des années 1950, avec une Ava Gardner au sommet de son art et un Humphrey Bogart toujours impeccable. Une leçon de cinéma valable encore de nos jours.


Attention : cet article révèle des points clefs de l'intrigue.


Quelle densité scénaristique de la part de Mankievicz ! La comtesse aux pieds nus raconte la vie d'une jeune et belle star d'Hollywood, dont le destin tragique commence à Madrid pour finir en Italie. Le film commence à l'enterrement de Maria Vargas (Ava Gardner) où Harry Dawes (Humphrey Bogart) se souvient. Postulat classique au départ qui va vite prendre une ampleur à la fois simple et ample. Mankievitz se paie le luxe d'utiliser 3, voire 4 narrateurs afin de retracer le fil des évènements. Cela laisse place à des voix off à l'intensité fabuleuse. La voix rauque et résonnante de Bogart contraste avec la fausse légèreté de ton de Rossano Brazzi, interprète du Comte VincenzoTorlato-Favrini.


La comtesse aux pieds nus est un exemple de film noir à l'américaine. Il se trame, dès le début, une sorte de gravité de visages, des non-dits qui font deviner que la vie des personnages sera difficile. Ce sentiment est amplifié par la tenue d'inspecteur de Bogart lors des funérailles. Le film se regarde comme un thriller sans meurtre. A ce titre, l'interprétation d'Edmond O'Brien, récompensé aux Oscar, mérite toute notre attention. Il n'apparait de prime abord que comme un bouffon sans jugeote. Il se révèle, au fil des scènes, un témoin privilégié de la vie de Maria, rendant obsolète notre jugement de départ.




Comme au cinéma


Mais ce sont bien sûr les principaux rôles qui éveillent notre attention. Humphrey Bogart, qui avec l'âge avait de vraies allures de Jacques Brel, joue à merveille celui qui se refuse d'être prince charmant et se comporte plus comme la bonne fée de Cendrillon. Ses traits de visage, légèrement marqués par les rides, dévoilent toute la gravité du personnage bien loin ici de la froideur apparente de son rôle dans Casablanca. Il incarne le mari fidèle et tendre, le cinéaste investi mais humain. Ava Gardner, quant à elle, touche les sommets avec ce rôle d'ange déchu d'Hollywood. Elle rayonne d'autant plus dans la première partie où l'espagnole se lance sans trop réfléchir dans le cinéma.


Car La Comtesse aux pieds nus est avant tout une introspection dans le monde du cinéma. A tel point que le réalisateur a dû préciser que l'histoire était pure fiction. Mankievitz décrit un univers impitoyable, un univers de requins soumis aux financiers plus fort encore que les prédateurs des mers. Les décors, volontairement calculés au millimètre près, apparaissent clairement comme faux. C'est ici une force. Les spectateurs, pas dupes, savaient que ces décors illustraient, à la mode théâtrale, un monde clôt et presque irréel. Les costumes, de même, sont surfaits. Grâce à ce décalage apparent, le film trouve une force inattendue.


Attaques politiques


On se concentre alors sur les personnages, tous finement composés. Les caricatures relatives à la vision américaine de l'Espagne, leur comportement presque néo-colonialistes, les allusions anti-soviétiques ou les attaques envers les dictatures sont plus politiquement incorrects que l'on peut le penser. En effet, si le sentiment anti-communiste en plein macchartisme est classique et souhaité à l'époque, on peut aussi voir dans la démarche de Mankievitz une moquerie de l'hypocrisie des acteurs (au sens large) d'Hollywood. Deux scènes cristallisent ce sentiment : la confrontation verbale entre Kirk Edwards et Alberto Muldoon, deux grands financiers détestables, et le passage de la projection privée, où le personnage de Bogart joue avec les règles du système.


La comtesse aux pieds nus, par son mélange de dénonciation d'environnements malsains et hypocrites, mêlé au destin d'une jeune et belle actrice trouve encore des retentissements aujourd'hui. Dans un monde globalement dominé par les mannes financières et l'effritement de la suprématie américaine, une version actuelle n'aurait pas grand chose à changer aux brillants dialogues de l'époque.

 


La comtesse aux pieds nus, de Joseph L. Mankievitz, avec Ava Gardner, Humphrey Bogart, Edmond O'Brien (U.S.A., 2h08, 1954)

 

La Bande-annonce, assez ratée, de la comtesse aux pieds nus ci-dessous :

 

 

 

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