Grand classique du cinéma européen, M le maudit est un tournant passionnant dans la carrière de Fritz Lang. Retour rapide sur ce monument.
Premier événement quand sort M le maudit, c'est le premier film parlant du cinéaste jusqu'alors réputé pour Métropolisles Trois Lumières. Ce choix, difficile, augure d'une nouvelle manière de narrer. Aidé par sa femme, il livre un polar anxiogène inspiré d'une série de meurtres survenues durant les années 20. Un film choc dénonçant aussi bien une société paranoïaque que la pègre gangreneuse puisque des malfrats bien plus puissants que les autorités, fortement décriées durant la république de Weimar. ou
Mais M le maudit est avant tout un sublime exercice de style, peut-être plus radical que les œuvres précédentes de Lang. En cela que l'expressionnisme cinématographique se mêle à un style plus contemporain, grâce aux dialogues ciselés. A la manière de ce que fera Citizen Kane en 1941, la caméra, au facultés omniscientes, transperce les murs. Héritage de Métropolis, la géométrie variable des bâtiments encercle un meurtrier bien esseulé. Les plans s'imbriquent habilement telle les saveurs d'un mille feuilles amer. Chaque plan, même le simple raccord, décuple des trésors de créativités. Les jeux d'ombres et de fumées reposent sur un effet amplificateur chargés de signification.
Des effets de fumées notamment présent durant un va-et-vient maitrisé entre les méthodes de recherches de la police et celle de la pègre. Petit à petit, les premiers passent pour des incompétents naïf quand les seconds, faussement moralisateurs, affirment leur pouvoir avec un cynisme burlesque. On peut bien rire jaune de la tournure tragique du destin de -M-. Jugé par des hommes aussi peu fréquentable que lui, on constate toute l'amertume de Lang devant un populisme lattant. De là à y voir déjà une dénonciation du nazisme, il n'y a qu'un pas.
Pour Peter Loore, incarner un criminel aux yeux globuleux, à l'esprit si tourmenté, a plus brisé sa carrière que permis son envol. Si on le reverra dans Casablanca notamment mais le public gardera éternellement son air paumé, son ombre avec le chapeau, son « M » en craie blanche sur sa veste, son sifflotement strident. Lang lui, après un nouvelle histoire du Docteur Mabuse et une escale française, s'envole vers les Etats-Unis travailler en paix.
M le maudit, de Fritz Lang, avec Peter Loore, Otto Wernicke, Gustaf Gründgens (All., 1h44, 1931)
Un extrait de M le maudit ci-dessous :