Truelle aiguisée
Les espoirs mis en Rodriguez sont une nouvelle fois déçus dans un hommage pas si jouissif que prévu au cinéma de la marge. Seul l'aspect populiste du traitement des étrangers amuse. Et le bourrin dans tout ça ?
Les plaisirs coupables, c'est bien. Les trips à base de zombies, de corps calcinés, de pépés bien gaulées et d'humour lourdingue, le tout avec des bikers fumeurs de havane (comme Dieu), ça peut même être carrément génial. Mais surtout entres potes, à l'Absurde Séance, en train de se goinfrer et de picoler, ponctués de rire gras comme un beauf devant un spectacle de Bigard. Non, vraiment, les séries B, C ou tout autre lettre de votre choix, quel pied ! Sauf... Sauf quand c'est monsieur Rodriguez qui s'y colle. En tout cas, son nouveau délire vient confirmer la thèse qu'après l'éclaircie Planète Terreur, le pote de Tarantino retombe dans ses travers du « je suis trop cool mais j'arrondis les angles pour rester grand public ». On ne cessera de le répéter ici mais là où Tarantino est un génie, c'est qu'il réinvente, détourne, crée en quelque sorte du post-modernisme du cinéma de genre au sens large.
Rodriguez ne fait que mettre en place une cuisine bien connue, sans épice, mais avec les moyens hollywoodiens. Machete est né d'un fantasme de fans. Une bande-annonce fictive, hommage amusant et amusé à ces films que l'on matait en plein air dans des carrioles aux peintures rayées en pensant draguer la fille du vieux du dessus. Le réalisateur a décidé de faire un film sur cet esprit là. Et là où la bande-annonce concentrait la glycérine et la sueur, Machete s'étire dans une trame molle, pas très convaincante. Jamais l'adage « il y a tout dans la bande-annonce » n'aura été aussi vrai. Si on met à part une très bonne scène d'introduction, le rythme ne décolle jamais complétement. Les combats semblent prendre leur envol et chaque fois, Machete les fait retomber aussitôt. Il n'y a même pas une forme d'excitation en forme de préliminaire cinéphile puisque c'est un peu dégouté que le finish concentre pas mal de bonnes idées là encore pas assez poussées.
Finalement, le film est aussi flasque que les joues de Steven Seagal, l'un des rares acteurs à vraiment rentrer dans le trip de plein pied. Mettons aussi à part De Niro qui cabotine comme ce n'est pas permis mais qui amuse en vieux sénateur xénophobe. L'attaque est facile mais géniale : celle de rendre si manichéen les salauds de ricains qui empêchent les mexicains de venir. Génial car Rodriguez cherche ici à -enfin- réinventer le vieux pot de la contestation à travers un film décalé. Machete reflète le replis sur lui-même d'une société en crise, celle de l'héritage de W. Bush, de la caricature éhonté d'Obama en terroriste, de la peur de ne plus dominer le monde. Les parodies de clips de campagne jouent avec les amalgames et les raccourcis délicieux de populisme assumé.
Reste que le trop plein de personnages se confronte au trop vide de situations à développer. Trejo, visage magnifiquement cabossé, n'arrive pas complétement à se lâcher. Quand aux rôles de Lindsay Lohan, l'excellent Jeff Fahey ou de Cheech Marin, leur teneur en plaisir coupable se résume un peu à peau de chagrin. Michelle Rodriguez fait un peu plus d'effort en vain et Jessica Alba ne mise que sur sa plastique (un atout de taille certes). A quoi bon faire des long-métrages Robert. Retourne au courts, aux pastiches en clips, aux services rendu à Tarantino. Fous-nous la paix. A si, fait des génériques type années 70, tu y excelles. Mais arrête de faire baver tout le monde pour nous pondre au final une série Z à peine bonne pour les pop-corns industriels.
Machete, de Robert Rodriguez et Ethan Maniquis, avec Danny Trejo, Michelle Rodriguez, Jessica Alba (U.S.A., 1h45, 2010)
La bande-annonce de Machete :