Porté disparu
Naufrage absolu du cinéaste Jim Sheridan, Dream House ne fait qu'empiler les twists les plus improbables de ces dernières années.
Pendant une quarantaine de minutes, Dream House laisse imaginer le même sujet mis en scène par Claude Chabrol. Imaginez un homme qui démissionne de son boulot pour pouvoir être auprès de sa femme et ses deux filles. Ils ont une nouvelle maison, toute belle bien qu'un peu délabrée. Sauf que quelqu'un les épis. Très vite, on constate que quelqu'un leur veut du mal. A ce moment, le père de famille se rebelle et cherche à tirer ça au clair. Une belle intrigue de départ pour le pionnier de la Nouvelle Vague, lui qui traitait des pertes de repères psychologiques et créait des sentiments d'oppression avec des choses très humaines. Sauf que Dream House est en fait à mille lieux de là. Jim Sheridan, qu'on avait quitté avec Brothers, vit un naufrage total. Le genre de gadin dont il sera difficile de se remettre.
Avec son casting étoilé (Daniel Craig, Naomi Watts, Rachel Weisz), Dream House aurait au moins pu être regardable. Sauf que passé ces fameuses quarante minutes juste banales, le twist le plus grossier de l'année débarque. Puisque la bande-annonce dévoile tout, parlons-en. Pas de quoi paniquer, Sheridan parvient à pondre encore d'autres cachotteries loufoques après. Donc, lors d'un passage chez les flics (ou chez les fous on ne sait plus bien), Craig apprend que le déséquilibré, c'est lui. Il s'invente cette vie. Il est sorti de l'asile faute de preuve contre lui mais il a assassiné sa famille. En gros, il voit sa bien-aimée et ses filles en fantôme. Hystérie totale, front suitant, gros yeux d'éberlué, tout l'attirail de la psychologie aux gros sabots prend place. Dream House vire dans la paranoïa de comptoir, mal inspirée par Les Autres. Pis, il reste encore une moitié de film à boucler. Entre faux raccords -qui sont en fait un effritement du réel et de l'imaginaire- grossiers et révélations abracadabrantesques, le sabordage du film fait peine à voir.
Tout est d'une laideur sans nom, à commencer par les errances capillaires de Daniel Craig, et ne vient qu'appuyer le sentiment de film gâché. La photographie, trop claire, fait penser que le chef opérateur a eu quelques soucis de matériel. Sheridan ne sait même pas mettre en scène les rares intentions du début. Les sons ne résonnent pas, le sentiment de piège qui se referme ne se ressent pas et la partition d'acteur fade laisse pantois. Le trio principal a pourtant un sacré potentiel. Mais à l'image d'une Naomi Watts qui se demande ce qu'elle fout là, Dream House ne trouve pas vraiment le ton juste. Tout le travail du fantastique est de rendre tangible une intrigue qui dépasse les bornes du naturel. Le manque de rigueur et les incohérences évidentes du scénario font virer cet étron dans une catégorie bien loin du nanar sympathique.
Dream House, de Jim Sheridan, avec Daniel Craig, Naomi Watts, Rachel Weisz (U.S.A., 1h31, 2011)
Sortie le 5 octobre
La bande-annonce de Dream House :