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16 octobre 2011 7 16 /10 /octobre /2011 15:24

Voyage en Italie

 

Mini cycle « Fétichisme »

 

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Face à l'un des films les plus amples du cinéma, tentons de voir où le fétichisme influe sur la perception même du ballet Bardot/Piccoli.

 

L'histoire aura voulu que le grand public ne retienne du Mépris que le « tu les aimes mes fesses ? » de Brigitte Bardot. Une image d’Épinal plus connue pour sa réplique que pour sa mise en scène sur l'ensemble de la séquence. Un instant mythique emblématique pour le plus célèbre film de Jean-Luc Godard. Il n'est pas question ici d'essayer d'être exhaustif sur ce monument dont tout a déjà été dit et écrit. Néanmoins, dans le cadre du mini-cycle sur le fétichisme, il apparaît indispensable de revenir sur l'articulation de ce dernier dans le Mépris, élément secondaire mais indispensable. Dans la définition du mot, il est possible d'y lire « vénération outrée, superstitieuse pour quelque chose ou quelqu'un ». N'est-il pas dans Le Mépris fétichisme plus total pour l'icône Bardot, pour le cinéma, pour l'art en général ? Le générique parlé en est l'emblème. Raconter en voix off appelle au conte. Godard en déclame un, version hybride de Voyage en Italie de Rossellini et de l'Odyssée d'Homère*.

 

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Qu'est ce qui fait que ce fétichisme, en dépit de l'image caricaturée du film, survit encore ? L'humour vient désamorcer par bribes la tragédie grecque. Paul passe par une porte pas encore vitrée et Camille traite d’âne son mari à travers une blague qui ressemble... à un conte. Tiens donc. Le recul inhérent montre le regard amusé de Godard. Il dessine au premier plan le ballet macabre le plus lumineux qui soit, à la chorégraphie précise. Le morceau central, dans l'appartement romain, synthétise parfaitement le va-et-vient continu du couple. Le pont entre Homère et Rossellini devient évident. Paul et Camille arpentent les sillons de leur auto-destruction avec le même acharnement que le duo Bergman/ Sanders. Les statues grecques omniprésentes et l'idée d'un séjour professionnel à Capri laissent imaginer une dispute similaire entre Ulysse/ Pénélope.

 

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L’attachement artistique de Godard va jusqu'à réinventer le livre d'Homère. Et si Ulysse ne partait en guerre que parce que sa femme ne veut plus de lui ? Cette théorie oublie l'acte final. Les retrouvailles, possibles grâce à un ultime sacrifice (au sens courant), font de l'étreinte finale un grand moment de tendresse. Le Mépris se limite à suivre le délitement. Il n'y aura pas de retrouvailles puisque Camille meurt. L'amour inconditionnel de l'art sert ici à rejouer l'une des grandes figures de la tragédie. Non pas au sens de fin inéluctable mais dans la trajectoire rectiligne de deux personnages bornés dans leurs postures. Tout l'attrait fétichiste vient de la capacité qu'a Godard à envelopper cela d'un cocon coloré. Quand il filme Bardot nue au début, il enlève ses filtres rouges et bleus précisément quand il contemple les courbes lisses de ses fesses. Le lancer délicat de la jambe de « B.B. » s’apparente à la perfection du modèle grecque, le mouvement en plus. La statue de l'appartement romain en est une preuve. La femme de bronze y est très belle, bien que le regard tourné vers le bas crispe la grâce.

 

article le mépris

Le lien entre les deux personnages et les héros grecques est encore plus évident avec les images de dieux aux yeux colorés. Le réalisateur sait que le gris des sculptures antiques ne cache les vraies couleurs qu'à la faveur des ravages du temps. Ce même temps qui ravage le couple. A travers le soin de cinéaste, Godard renoue avec les teintes antiques comme il renoue avec la ferveur de l'amour présent. Il y a une fascination iconodoule qui a tout à voir avec l'amour des hellènes pour leurs divinités incarnées. Par le prisme du cinéma et la présence de Fritz Lang, c'est comme si Athéna venait influer sur le cours de la bataille. Aphrodite, déesse de l'amour n'existe jamais. Godard lui préfère le tempétueux Poséidon, démiurge terrifiant qui déchaîne les mers. La guerre de Troie de Paul aura bien lieu. Sauf qu'ici, le dieu des mers gagne son combat. Dans un ultime regard au moment de monter dans un hors-bord, Camille appelle Paul à ne pas la laisser tomber. Le Mépris focalise son attention sur ce moment précis où l'amour s'en va. Un peu comme un turning-point rend le retour en arrière impossible pour les héros de cinéma.**

 

Fritz Lang désincarne le fétichisme, justifie le fait qu'il est impossible de réduire le film à cela. Sa présence même sert de trait-d'union conscient entre le romanesque et le réel (ici le septième art). Il est une sorte de messager des dieux. La beauté du jeu avec la perruque noire n'est qu'un prolongement du thème du double si cher au cinéaste allemand. D'ailleurs, Bardot l'enfile pile quand elle songe à avouer que son amour a disparu. Une poétique qui inspirera Lynch dans Mulholland Drive. Bardot est une poupée manipulée par le maître de la Nouvelle Vague. Il ne lui laisse aucune liberté. Il en fait un objet de fantasme étriqué. Son visage ne permet pas de lire les inflexions de tempérament. Les réactions illisibles de Camille troublent le désir autant qu'il l'amplifie. Si l'admiration sans borne pour les courbes de la belle laisse place au fantasme, celui-ci est contrarié. Bardot se meut en femme de légende. Elle atteint le statut d'icône opaque.

 

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Un Être inaccessible même pour son mari. Camille n'est pas que le fruit d'un amour fusionnel. Le fétichisme du film sert à lier le spectateur à Paul, personnage masochiste. Chaque scène consiste à l'esseuler un peu plus. Sa souffrance le pousse à insister dans cette voie. L'asynchrone mouvement de Piccoli, tout en rupture de rythme devant l'avancée entêtée de Camille, montre deux personnes aux trajectoires qui ne peuvent plus se rejoindre. Un peu comme si le ballet n'arrivait plus à caler ses deux danseurs sur le même tempo. La vitesse de fuite de Camille dépasse Paul. Même lorsqu'il lit la lettre d'adieu de son amazone, il décrypte lentement les dernières traces vénéneuses d'une femme prise dans une ultime étreinte. Celle, violente, d'un camion qui déchire la peau lisse de l'icône fragile. Dès lors, Bardot deviendra un idéal de blondeur -fétichisme primaire- quand le film dans sa globalité a su dépasser ce qui aurait pu n'être qu'un objet de coquetterie.

 

Le Mépris, de Jean-Luc Godard, avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Fritz Lang (Fra., 1h40, 1963)


* l'Odyssée était d'ailleurs un conte transmit oralement de génération en génération avant qu'Homère ne se décide de le mettre à l'écrit.

** Cette considération peut paraître étrange tant l'existence même du turning-point, élément de scénariste par excellence, ne sied pas à la personnalité de Godard, hostile au cinéma de scénariste. Dans Le Mépris, il détourne son utilisation.

 

 

 

La bande-annonce de Le Mépris :

 

 

 

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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 13:17

Fresque russe

 

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Immense succès populaire en son temps, Docteur Jivago fait partie de ces grands films peu à peu oubliés. C'est pourtant une aventure saisissante sur la Russie et les sentiments.

 

Auteur populaire en son temps, David Lean a mystérieusement disparu de l'inconscient collectif. Source d'inspiration majeure d'auteurs aussi important que Spielberg, le britannique a enchanté les salles de cinéma de plusieurs films cultes. Parmi ceux-ci, on retient souvent Le Pont de la Rivière Kwaï, Oliver Twist, Lawrence d'Arabie et Docteur Jivago. Son cinéma populaire alliait rigueur thématique et traitement lisible. Avec Docteur Jivago, il offre une fresque historique sur la Russie inoubliable. Lean a souvent quitté les terres habituelles des grands espaces américains. Si ici il va au pays de Lénine, il parcourt le canal de Suez ou le Pacifique pour les besoins de ses autres films. Lorsque le périple de Youri Jivago embarque le spectateur, c'est pour le plonger dans un mélange parfait de grande Histoire et de sensations amoureuses.

 

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Preuve de la force évocatrice des images, des flashs persistent. La reconstitution de Moscou apparaît d'un naturel aussi déroutant que le New-York d'Eyes Wide Shut. La neige annonce la famine, les révoltes ouvrières précèdent le chaos dictatorial. A travers une première partie couvrant la fin du tsarisme, Lean mêle l'espoir réel des bolcheviques d'un monde plus égalitaire avec le comportement débonnaire du héros à leur égard. En même temps, Youri Jivago côtoie l'aristocratie qui humilie les peuples et n'hésite pas à charger la foule qui manifeste. La Russie entre en guerre. Les mutineries enclenchent les révolutions de 1917. Dans ce monde changé, le collectivisme prive Jivago de son aisance. Les dérives des rouges conduisent le pays dans le chaos le plus complet. Il convient de louer la relative honnêteté intellectuelle (pour un film de l'Ouest) de l'approche historique du film. Les communistes constituèrent un temps un espoir sincère avant que les dérives étatiques ne fassent sombrer tout cela dans le totalitarisme le plus glaçant.

 

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Mais Docteur Jivago c'est surtout une fresque romantique. Omar Sharif, grand yeux de cockers, vit deux amours aussi sincères que puissants. L’originalité, c'est qu'ils ne s'affrontent pas vraiment. Il vit longuement avec Tonia et son fils. Ensemble, ils résistent aux menaces politiques, entretiennent leur amour lointain par lettres durant la guerre où le Jivago officie évidemment en tant que docteur. Ils parcourent la Russie direction l'Oural à bord d'un train avec le beau-père, bourgeois aussi nostalgique que fataliste. A travers sa figure, l'acte égoïste devient une rébellion, fumer un cigare se transforme en transgression ultime.

 

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Et puis il y a la femme évanescente, celle que Youri croise puis perd de vue. Julie Christie alias Lara, vit aussi une histoire mouvementée. Elle tente d'assassiner son amant libéral (Rod Steiger) et fonde ses espoirs de vie meilleure avec un révolutionnaire : Strelnikov, un Léon Trotsky romancé. Lara est la représentation de la Russie en perte de repères. Tiraillée entre réforme mineure et révolution plus violente, elle choisit la voie la plus idéaliste. Quitte à en payer le prix. C'est dans l'amour que se portent Lara et Youri qu'un souffle plus serein se retrouve. Porté par la partition de Maurice Jarre, au somment de son art, le film resserre peu à peu l'intrigue sur les sentiments.

 

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Docteur Jivago n'épargne aucun de ses personnages. La beauté formelle ne cache ni les traits creusés, ni les cicatrices et autres blessures. Son souffle épique digne de Tchekhov se nourrit dans l'instabilité constante du contexte. La plénitude des sentiments ne se goûte qu'à travers un sacrifice social. La paix intérieure et l’honnêteté met en danger la chair de ses héros. Lean illustre un monde qui ne tient que sur des fondations fissurées. Seuls les sentiments sauvent ces humains d'une vision pessimiste du monde. Par la transmission (l'instrument de musique qui traverse les générations), l'âme du poète survit. Fresque monumentale, Docteur Jivago mérite de ne pas tomber dans l'oubli comme son illustre architecte.

 

Docteur Jivago, de David Lean, avec Omar Sharif, Julie Christie, Geraldine Chaplin (U.S.A., 3h20, 1965)

 

La bande-annonce de Docteur Jivago :

 

 

 

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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 16:06

« Dans l'espace, personne ne vous entend crier »

 

 

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Plus encore qu'une expérience visuelle, le colosse 2001 attire l'attention sur le silence, la fureur de la disharmonie et alerte sur la perte de repère de l'Homme.

 

Et si on se nourrissait avant tout des sons ? La puissance évocatrice de 2001, l'Odyssée de l'espace tend à le prouver. Au-delà de sa perfection visuelle encore bluffante aujourd'hui, le silence est d'or. Kubrick l'avait compris. A la fulgurance baroque de Richard Strauss sur son Ainsi parlait Zarathoustra succède le vide de l'espace. L'absence d'air submerge l'œil en l'obligeant à se focaliser sur les courbes arrondies. L'alternance entre la délicatesse des valses -musique civilisée par excellence- et le strident de Ligeti -approche de l'indomptable- forme une trame logique qui peut échapper à de nombreux spectateurs. Car contrairement à ce qui est couramment dit, 2001, l'Odyssée de l'espace n'a rien d'incompréhensible.

 

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Son mode de narration surprend encore mais ne fait que croiser deux chemins à priori très éloignés. D'un, la rigueur scientifique dont Kubrick s'est informé auprès de la NASA. Le travail sur la pesanteur en atteste, il lui fallait ignorer les poids dans l'espace. Ainsi se créèrent ces mouvements de caméra dingues où les personnages font des 360° ou marchent à la verticale. Il travaille aussi les déplacements dans le cosmos, prenant en compte le manque de résistance des corps et ce fameux mutisme si inquiétant. C'est la première fois que l'on aurait pu utiliser le célèbre slogan d'Alien : « dans l'espace, personne ne vous entend crier ». Lorsque HAL assassine Poole, sa chute sans fond n'en est que plus glaçante. Les repères passent par un montage solide. Les transitions fluides illustrent une inertie implacable au récit. La division en segments n'obstrue à aucun moment le déroulé somme toute linéaire de l'épopée à travers les Âges et les Hommes.

 

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Le film débute peu après la Création aux images rouge ocre, aux ombres préhistoriques. Là des singes initient les premiers stades de la civilisation. Au contact du monolithe, l'intellect s'éveille. Ainsi les hiérarchies se façonnent. L'autorité est née. L'utilisation de l'os comme arme prévaut la maitrise du matériau. Le récit opère son premier décrochage par une ellipse à travers les millénaires et l'immensité : la conquête de l'espace. Faille spatio-temporelle surprenante, l'esthétique voulue futuriste garde la trace d'un look à la James Bond de Sean Connery ou Playtime. L'ancrage du film nous amène peu à peu à l'autre pan du travail kubrickien. Il se nourrit du cinéma expérimental californien des années 1950. Le méga-trip à l'approche de Jupiter n'apparait original que pour les néophytes du genre. Cette radicalité pour un film de major (MGM) fait alors passer le scénario au second plan. Kubrick élude le récit par un minimalisme des situations. Les aspects les moins fascinants de son film se concentrent dans les échanges communs entre l'astronaute américain et ses collègues russes.

 

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Désamorcé des conventions de la SF, 2001 prolonge son expérimentation. Après une seconde apparition du monolithe non-concluante, le film suit une mission pour Jupiter. Au terme de ce chemin, la naissance d'un Nouvel Homme, être post-humain, nouveau chainon darwiniste. La tonalité religieuse évidente, à travers le Requiem de Ligeti notamment, se juxtapose avec la figure du monolithe. Incarnation de l'étrangeté pure, ce dernier pourrait se voir comme l'essence supérieure. Face à la dualité de l'Homme, illustrée par les poses froides des astronautes ne communiquant pas entre eux, Kubrick propose une figure parfaite. Un parallélépipède imposant, uniforme. Les figures géométriques ont toujours occupé jusqu'alors une place forte chez le cinéaste, même dans le mouvement impeccable de sa caméra. Mais ici, le paroxysme est atteint. Il confronte au rectangle la vraie figure de la perfection : le cercle et ses dérivés. Le vaisseau répond au casque qui lui même répond à l'œil orwellien de HAL. Ordinateur sans erreur possible, manipulateur massif, sorte de créature de Frankenstein, HAL 9000 est d'autant plus supérieur qu'il n'a que faire des cinq sens. Il lit sur les lèvres, ne peut perdre aux échecs et profite d'un regard multiple.

 

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Objet de culte et de crainte, l'ordinateur fait la jonction entre l'aspect SF le plus traditionnel et la veine plus folle du long-métrage. Il combine même le rectangle au cercle. La scène de mise à mort de HAL rappelle des phrases assenées dans les cauchemars. Celles qui réveillent avec effroi et sueur au front. Là encore, les sons prennent le pas sur le reste. Par la répétition des appels à la clémence, le processeur entérine son aspect effrayant. Kubrick suggère de nous en remettre plus que tout aux sens, de ne pas se transformer en machine infernale. L'autre œil, celui de Frank, prend dès lors le relais. Il se dirige vers l'artefact dans un final abyssal, avec à la clé vieillissement accéléré dans une chambre d'hôtel. L'ellipse des corps inhale la dimension fantastique. Frank est comme un alpiniste courant au sommet de l'Everest. Il atteint le stade ultime de l'élévation humaine. Il aura fallu égarer quelques os, vaisseaux et compagnons de route pour mériter ce nirvana. Le monolithe abandonne Ligeti et fait place à la civilisation de Strauss. La disharmonie s'estompe, les pas dansés d'un Âge Nouveau s'ouvre. Avant le premier contact...

 

2001, l'Odysée de l'espace, de Stanley Kubrick, avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester (G.-B., 2h20, 1968)

 

La bande-annonce de 2001 l'Odyssée de l'espace :

 


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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 21:02

 

(titre intégral : Dr Folamour ou : comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe)

 

La beigne des cochons

 

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Au moment où les relations États-Unis/ U.R.S.S. se calment un peu, Kubrick lance un gros pavé dans la mare avec la farce acide la plus grinçante de l'histoire du cinéma.

 

Confortablement blotti dans le rôle de spectateur du XXIème siècle, difficile de mesurer l'ampleur de la provocation qu'était Dr Folamour, comédie acerbe sur le nucléaire. Film dont la sortie fut repoussée pour cause d'assassinat du président Kennedy, ce Folamour porte en lui la trace du souffre et du rire grinçant. En 1964, date de sortie du film, la crise de Cuba marque encore tous les esprits et la seule révolution pour communiquer s'appelle le téléphone rouge. Ironiquement, Kubrick l'utilise pour que le président américain explique à son homologue russe ivre mort la gravité de la situation. Alors que les relations bipolaires tendent à se détendre dans le monde réel, le pavé dans la mare de Stanley choque autant qu'il amuse. Film sur le complot politique, l'asservissement de l'Homme selon la hiérarchie et l'apocalypse nucléaire, Dr Folamour détonne rien que par son titre intégral (« ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe »).

 

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Les éclats de rires provoqués par le triple jeu du grand Peter Sellers illustrent trois facettes. D'abord, il y a le fameux Dr Folamour, ancien dignitaire Nazi, hilarant surtout dans la scène finale à base de complot pour repeupler la terre. Kubrick égratigne évidemment la tolérance des États-Unis à l'égard de scientifiques ayant servis le régime d'Hitler, souvent impliqués idéologiquement mais qui -pour des raisons « scientifiques »- bénéficient d'un accueil privilégié. Sellers incarne aussi un président des USA débordé et soumis au diktat militaire. Troisième rôle et troisième nationalité : le colonel britannique, confronté au général fou ayant enclenché l'attaque nucléaire. Kubrick le filme comme un homme plus loyal mais impuissant. Sa négociation le place de fait en position de faiblesse face à la folie totale du général. Sellers a beau se tenir debout, les contre-plongées sur le général fumeur de cigare le rendent d'autant plus menaçant.

 

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Dr Folamour travaille évidemment l'espace afin de confiner cette histoire aussi dingue que cruellement crédible par un jeu architectural dément. La fameuse salle de conseil de guerre, froide comme la mort, accentue l'écho des voix. Une sonorité ironique tant le film travaille l'incapacité à se comprendre, à s'entendre et à éviter le pire d'arriver. Buck (immense George C. Scott, presque plus impressionnant que Sellers) mâchouille à n'en plus finir ses chewing-gum. Il balbutie son autorité. A défaut de se cacher derrière sa barbe, il se masque par la nonchalance patriotique et détestable du personnage. L'occasion d'en mettre plein la tronche au milieu de l'armement (« vous n'allez pas condamner tout un programme sur UNE erreur ! » lance crétinement Buck) et la subordination. Une thématique en complément des Sentiers de la gloire.

 

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Reste le cœur du problème : l'avion en mission. Là encore le confinement des lieux resserre l'intrigue sur des soldats persuadés d'agir pour le bien, se rêvant déjà couverts d'honneurs. Leur sacrifice va jusqu'à ce rodéo dément sur une ogive en train de tomber. Kubrick y utilise en fil rouge une marche militaire When Johnny Comes Marching Home Again, morceau issu de la Guerre de Sécession. Déjà utilisée dans le dictateur de Chaplin, cette musique faussement belliqueuse serait en fait un ode à la fin des hostilités. L'isolement total subit par ces soldats bien intentionnés traduit aussi un goût des destins tragiques pour l'Homme, simple rouage dépourvu de porte de sortie. L'équipage ne fait que répondre à un ordre crypté. Leur amusement devant le kit de survie (« on pourrait passer un bon week-end à Vegas avec ça » déconne l'un d'eux) les montre comme étant les plus humains de tous les protagonistes de cette histoire. Même la secrétaire ou le soldat qui fait prisonnier le colonel britannique sortent moins des clous que cette bande de guerriers enfermés dans un microcosme à devenir fou. S'il n'y avait pas ces innombrables plans de vols, on les croirait cloitrés dans un sous-marin. Manière bien claire de montrer à quel point l'humain se coupe de tout. Les explosions nucléaires de fin ne montrent jamais la catastrophe, les pleurs, les morts ou une quelconque image anxiogène. C'est par la petite musique We'll meet again ( relevez encore la terrifiante ironie de Kubrick) que la force d'épouvante se met en valeur.

 

Dr Folamour ou : comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe, de Stanley Kubrick, avec Peter Sellers, George C.Scott, Sterling Hayden (U.S.A., 1h31, 1964)

 

La bande-annonce de Dr Folamour :

 


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28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 19:56

 

cliché réussi

 

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Le plus grand succès d'Antonioni traite de la frontière entre le réel et l'image, de l'enferment du photographe dans un monde doré et de la psychose d'un homme affolé.

 

Palme d'or 1967, auréolé d'une critique élogieuse, Blow Up parvient à trouver son public. Un petit exploit tant l'austérité apparente aurait pu rebuter le public. Le cinéma d'Antonioni pourrait un peu se mettre en opposition à celui de Fellini. Plus ancré dans le monde, moins emprunt de rêverie, on relie néanmoins ces deux grands noms à leurs facultés de capter l'instant, à cerner le visage humain. Avec Blow Up, Antonioni s'intéresse à la découverte de l'horreur par un être à priori innocent. Ce personnage, Thomas, est photographe. En plein shooting volé d'un couple dans un parc, il croit avoir été témoin d'un meurtre.

 

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L'intérêt de ce film est de montrer la prison dorée de l'artiste. Son appartement, luxueux et spacieux offre des alcôves mystérieuses, les recoins paraissent nombreux. Très peu ouvert sur le monde, de rares fenêtres éclairent les pièces jouant plutôt sur les mezzanines et les cloisons. La chambre noire devient le lieu des révélations, la métaphore de l'esprit encombré d'un photographe un peu perdu par les évènements. Si la première partie du film joue sur l'attente d'un élément perturbateur, Jane, la femme aimante inquiétée, joue à la fois ce rôle sans vraiment l'incarner. Malgré la tension et le jeu de dupe, Antonioni ne se prive pas de distiller le charme, avec Jane mais aussi avec les deux jeunes filles (dont Jane Birkin). Sauf que dès que les photos sont développées, le ton change.

 

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Le décor planté, les personnages cernés, tout est près pour basculer dans un pur Hitckock à l'issue incertaine. La panique des agrandissements (traduction de « blow up ») laisse paraître toute la folie du photographe. Le jeu des cadres et la dynamique des gros plans laissent un doute permanent. Si le comportement étrange de Jane attesterait dans le sens du meurtre découvert grâce aux clichés, le peu de lisibilité de ceux-ci, la brutalité des révélations, la méthode d'affichage embrouillent intelligemment l'intrigue. Et par un dénouement assez inattendu, l'italien illustre définitivement le monde clôt de l'artiste, coupé des réalités. Blow-up devint une grande inspiration pour de nombreux cinéastes. On pense à Cronenberg, à Polanski entre autres. Antonioni mérite une attention bien plus large que ce film, sa filmographie étant pour ainsi dire parfaite. L'un des fer de lance du cinéma italien.


Blow-up de Micheangelo Antonioni, avec David Hemmings, Vanessa Redgrave, Peter Bowles (It., R.U., U.S.A., 1h52, 1967)


La bande-annonce de Blow-Up ci-dessous :

 

 

 

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 21:07

  http://nicolasfurno.com/files/planc/50.pngaffiche entre le ciel et l'enfer

Polar ayant inspiré de grands noms tel que Polanski, Entre le ciel et l'Enfer est un oeuvre majeure à mi-chemin entre la dénonciation sociétale et le thriller hitchkokien.

 

Exit la fresque historique qui a fait la réputation de Kurosawa. Le nippon sait aussi apprivoiser les codes du monde contemporain pour faire naitre une intrigue cornélienne. Un terme largement galvaudé mais qui trouve ici tout son sens. Dans Entre le ciel et l'enfer, Gondo (joué par le fidèle Toshiro Mifune), un homme d'affaire en conflit avec ses collaborateurs, se retrouve confronté à un choix délicat. Le fils de son chauffeur est kidnappé par erreur alors que c'était le fils de l'homme d'affaire lui même qui était visé. Que faire : payer la rançon et renoncer à ses ambitions professionnelles, quitte à tout perdre, ou penser d'abord à son confort ? Dans tous les cas, Gondo y perd, soit financièrement, soit humainement.


article-entre-le-ciel-et-l-enfer.jpgL'appartement, en huis clos, devient le théâtre des atermoiements de la première heure. La police agit sur l'affaire, sa femme l'influence, son assistant aussi. Et puis il y a le chauffeur lui même, tiraillé entre tristesse et fidélité envers son employeur. Une scène très forte nous montre l'homme entendre l'enregistrement de son patron refuser de céder aux chantage du kidnappeur. Une souffrance accentuée par la présence non seulement des enquêteurs, mais aussi de Gondo en personne. La dignité et l'honneur, fer de lance de la société japonaise encore très ancrés au XXe siècle, paralyse la prise de décision. Kurosawa ne se prive pas de railler l'individualisme grandissant, le pouvoir de l'argent et la jalousie de la réussite.


L'entre deux mondes


D'où ce titre, Entre le ciel et l'enfer, métaphore de ce riche homme dont la maison toise la plèbe de sa supériorité, même involontairement. Loin de tout manichéisme, Kurosawa évite aussi la complaisance à outrance. Les victimes souffrent principalement par leur impuissance. Quant au ravisseur, on le découvre au bout d'une heure de film. Il a beau être manipulateur on peut dire qu'il n'a rien du « bad guy » classique. Physique frêle, allure paniquée, presque victime de la société, il devient l'exemple-type du mec qui pète les plombs. Le film offre d'autant plus de force à ce message qu'il ne s'attarde pas tellement sur lui.


article-entre-le-ciel-et-l-enfer-3.jpgPendant 55 minutes, tout se passe dans la grande villa de Gondo. Le noir et blanc, magnifique, permet une harmonie dans les textures visuelles. Chaque protagoniste, chemise blanche, pantalon noir pur, crée une atmosphère visuelle incroyablement cohérente. Même le mobilier répond à des critères très précis. Ainsi les déplacements et la place dans le cadre ont une importance primordiale. A l'image des autres films de Kurosawa, selon que l'un ou l'autre soit au premier plan, la tête baissée ou de dos, la hiérarchie se dessine. Tout le long, les scènes sont filmées en plans larges, y apparaissent toujours au moins deux personnes et cadre soit entièrement soit en plan américain. Aucun gros plan, aucun mouvement brusque. C'est précis comme du Haneke (bien qu'en réalité, ça soit l'inverse), mais malin comme du Shakespeare. Positionné en hauteur, la villa crée une posture inverse à Fenêtre sur Cour. Ici, les protagonistes sont vus sans pouvoir voir.


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On retrouve tous les éléments qui inspireront des cinéastes comme Polanski ou Scorsese. Une méthode en partie brisée par la suite, quand le film se concentre sur l'enquête policière. Chose rare, la presse n'est pas un obstacle au bon déroulement des investigations, mais un allié collaborant avec la police. En toile de fond, l'industrie devient un environnement de requins dont s'émancipe l'homme d'affaire. Après un final haletant, le constat est là : Entre le ciel et l'Enfer est bel et bien l'un des meilleur polar jamais réalisé. Du très très grand cinéma !


Entre le Ciel et l'Enfer, de Akira Kurosawa, avec Toshiro Minufe, Tatsuya Nakadai, Kyoko Kagawa (Jap., 2h23, 1963)


Un extrait de Entre le ciel et l'Enfer ci-dessous :

 

 

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 18:44

 

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Hommage au premier succès de Godard un demi-siècle après sa sortie. Ou comment A bout de souffle a dépassé le statut de simple film, jusqu'à en devenir intouchable pour tout bon cinéphile.

 

 

Il y a 50 ans sortait un film charnière dans l'histoire du cinéma. Le plus grand symbole de la Nouvelle Vague, l'éclosion d'un visage devenu phare en la personne de Belmondo et la recréation de l'installation filmique comme objet de modernité. Cette révolution, Godard la fait avec A Bout de Souffle, road-movie statique dans les rues de Paris. Qu'en reste t-il aujourd'hui ? Que retient-on de ce « texte » d'étude dans les écoles de ciné et les bons manuels de cinéphiles? Un florilège d'images en étoile filante, une myriade de pavés en noir & blanc dont l'insurrection nait de la pellicule qui capte le plancher des vaches.

 


 

article-a-bout-de-souffle.jpgOn retient avant tout cette façon qu'avait Michel Poiccard/Belmondo pour faire virevolter sa clope au bec. La grâce de ses allées et venues avait la cadence d'un balancier et la légèreté d'une danseuse de ballet russe. Godard convoque déjà tous ses fantômes du passé et du futur. Une idée originelle de Truffaut, une apparition fracassante de Melville, l'ombre imagée de Bresson ornent le film. Plus clairement, les références explicites s'accumulent. De la phrase de Bugati (« mes voitures sont faites pour rouler, pas pour s'arrêter ») à l'affiche de Plus dure sera la chute, l'intellectuel de gauche Godard nourri le cinéaste révolutionnaire Jean-Luc. Malgré les méthodes à l'emporte pièce du travail (écriture de dialogues au bistro, prise de son séparée, jeu inédit avec la caméra), chaque plan, chaque réplique doit résonner comme culte. L'image d'Épinal devient presque trop présente quand on cite Bebel : « Si vous n'aimez pas la mer… si vous n'aimez pas la montagne… si vous n'aimez pas la ville… allez vous faire foutre ! »


 

Une américaine à Paris


 

 

article-a-bout-de-souffle-2.jpgImpossible de critiquer sereinement le travail du franco-suisse. Surtout pas ce film, trop parfait, trop légendaire, trop étudié. Ça reviendrait à s'en prendre aux Misérables, à Nerval, à Chateaubriand, à Charlie Chaplin. Au cinéma, à l'art. Avec 50 ans de recul, on peut voir dans ce A bout de souffle un oxymore saisissant : on assiste à un effet rétro de vieille France moderne. Les postures de Michel Poiccard illustrent un pays partiellement machiste, mais pas méchant. Il engueule Patricia apprenant sa potentielle grossesse, la somme de se taire, domine les débats en dehors des conversations amoureuses. C'est aussi un homme désenchanté impatient de recoucher avec l'américaine.


 

Effet involontaire, tout un bestiaire ( le terme convient si on peut animaliser les choses) de la France des années 60 crée une forme de nostalgie d'une belle époque : France soir, le ciné Caméo, une revue des Cahiers du cinéma, le charme de la clope dans les bars... Peut-être que Michel Poiccard avait conscience de l'effet à postériori. Godard aussi. Peut-être que le sourire malicieux de Belmondo vient de là. Peut-être encore que la manie de passer son doigt sur les lèvres était un indice. Lequel? Aucune idée. A moins qu'il ne faille chercher ça dans le Herald Tribune, le sourcil brossé de Jean Seberg, les jeux enfantins des deux amoureux.

 

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Chaque instant dépasse aujourd'hui le cinéma. « je cherche à faire des films, pas du cinéma » s'exclame toujours JLG. Comment critiquer ce qui est l'essence même du cinéma ? Godard ne pouvait critiquer Nicholas Ray car il était le cinéma selon lui. Nous voilà enfermé dans cette même prison. A voir les lumières de la ville s'allumer, dans un mouvement de plongée très loin de l'intimisme chaplinesque, on perçoit néanmoins le cocon parisien de la Nouvelle Vague. Mais le sommet de cet art se trouve évidemment dans ce huit-clôt tendre dans la chambre 12, où un chat et une souris se cherchent par de bons mots, par des regards. Le découpage si particulier innove en cela qu'il tue le temps mort. Sauf qu'une fois devant les réalités de l'amour et du désamour, des femmes et du sexe, point de cut survoltés.

 

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Les peaux à nues nous rafraichissent la mémoire. Le principe du 7ème art n'est pas juste de créer des dispositifs au carcan strict, mais de permettre en substance (à l'image de la peau et de ses pores) une respiration. Sa source est une installation de foire. Le génie d'hommes et de femmes en a fait un vecteur d'émotion. Godard nous le rappelle plus qu'il n'invente. L'avant-dernière scène se passe dans un studio de photos aux murs en cartons. On y lit la volonté de marquer l'histoire. La photographie saisie l'instant d'une vie voire d'une époque. A bout de souffle se lit comme une gigantesque photo de Paris de 1960. Parvulesco ne clame t-il pas que son rêve est de « devenir immortel et puis mourir ». C'est chose faite.

 

 

A bout de Souffle, de Jean-Luc Godard, avec Jean-Paul Belmondo, Jean Seberg, Daniel Boulanger (Fra., 1h26, 1960)

 

La bande-annonce de A bout de souffle ci-dessous :

 

 


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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 16:50

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Seconde trilogie de Leone, la saga « il était une fois » s'ouvre sur le plus grand western jamais réalisé. Chronique de ce monument dans la première partie des articles consacrés aux derniers films du géant Sergio.


Attention, cet article révèle des points clefs de l'intrigue.


Alors que le réalisateur italien ne voulait plus entendre parler de western, le voilà embarqué dans une grande fresque sur l'Ouest. C'est décidé, Leone va entamer une seconde trilogie, où l'on retrouvera Il était une fois la Révolution en 1972 et qui s'achèvera avec l'incompris Il était une fois l'Amérique en 1984.


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Il était une fois dans l'Ouest prend la construction du chemin de fer comme enjeu central. L'occasion de pointer ici l'aspect le plus étrange du cinéaste. Profondément fasciné par les États-Unis, il n'en était pas moins extrêmement critique quant à l'obnubilation de l'argent. L'audace de ce film est une nouvelle fois de détourner les codes du genre. S'il avait déjà récupéré à son compte le style de John Ford avec la trilogie des « Dollars », Leone va ici plus loin dans la mise en scène. Son utilisation des très gros plans sur les visages permet de mettre en valeur le sombre Henry Fonda. Incroyablement osé quand on connait la réputation de gentil du cinéma à Fonda. Ses yeux bleus mêlés à sa cruauté avaient pour but de choquer le spectateur. Léone le disait lui même : « je voulais que le spectateur se dise 'oh mon dieu mais c'est Henry Fonda qui tire sur ce gamin !' ».

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Casting éblouissant


Autre audace : celle de prendre Jason Robards pour interpréter Cheyenne, sorte de brute attachante au passé sombre. Cette barbe lui confère un visage à la fois dur, mais sert également de personnage un poil drôle. Claudia Cardinale, même quarante ans après, vous foudroie toujours du regard. Le personnage de Jill apparaissait comme la putain au grand cœur. C'est bien la première fois que Leone s'attache autant à un protagoniste féminin. Quelle réussite !

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Mais le choix le plus audacieux revient évidemment au rôle d'Harmonica. Charles Bronson incarne à merveille cet homme mystérieux, peu loquace, venu pour se venger. Son utilisation scénarisée de l'harmonica est devenu le symbole d'Il était une fois dans l'Ouest. Et quant il dégaine, soit il tue, soit il balance à son adversaire : « vos amis ont un important taux de mortalité ». Dernier membre à part entière de ce casting : la musique d'Ennio Morricone. Une nouvelle fois, le compositeur se surpasse. Chaque personnage ayant son thème. L'épique pour Harmonica, le menaçant pour Frank, le cocasse aventureux pour Cheyenne, la douceur courageuse pour Jill. Ce dernier thème étant le plus touchant.


Contemplation

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Le style Leone se résume en une forme de contemplation. Admirer les décors est chose aisée tant il utilise subtilement un rythme lent. Ces décors et costumes sont particulièrement réussis, tout comme la volonté de créer une ville chaotique, sortant des schémas rectilignes et silencieux du western classique. L'utilisation de plans très larges et de travelling parfaits permettent de se rendre compte du travail. L'autre aspect de contemplation se trouve dans le suspense. Le cinéaste étire presque à outrance le temps afin d'en sortir la tension maximale. Et là où un réalisateur classique en ferai un enchainement de violences surenchéris dans la durée, chez Leone, cette attente peut se solder par une non-explosion. Cette idée est profondément passionnante car corrélée à la présence ou non de Jill. Comme si la bienséance masculine admettait qu'il ne fallait pas se battre devant une dame. D'ailleurs, pour le face-à-face final, Jill n'assiste pas à la scène. Ainsi, Leone nous offre un dénouement où cette douce femme trouve une place dans cet Ouest si sauvage.


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Au regard du destin de ce film, porté par la maitrise la plus totale, on peut regretter que les spectateurs américains de l'époque se soient vus privés de deux scènes fabuleuses. La première est l'arrivée dans le récit de Cheyenne, où le rythme lent a déplu aux studios. L'autre concerne toujours Cheyenne et nous montre sa mort. C'est d'autant plus regrettable que ce passage illustre le destin commun de tous ces mâles, liés irrémédiablement à la mort. Si l'échec en salle fut réel aux Etats-Unis, son immense succès en France et en Europe n'est que justice. Souvent imité ou parodié, jamais égalé : l'un des 5 plus grands films américain de l'histoire.



Il était une fois dans l'ouest, de Sergio Leone, avec Claudia Cardinale, Henry Fonda, Jason Robards, Charles Bronson (U.S.A, It., 2h40, 1969)

 

Articles liés :

 

- Il était une fois la révolution
-
Il était une fois en Amérique

 

La bande-annonce originale de Once Upon a Time in the West en Grande-Bretagne ci-dessous :

 

 

 

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