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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 15:47

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Récit poignant de la femme cachée du Duce, servit par une mise en scène proche du ballet tragique, et des acteurs flamboyants.


Le cinéma italien serait-il en train de retrouver de sa superbe ? Après des années noires et même si la création cinématographique dans la botte reste une chose complexe, force est de constater que les italiens se donnent une belle image dans le 7ème art ces derniers temps. Il y a bien sûr eu Gomorra, mais aussi Il Divo, le déjeuner du 15 août et bien d'autres. Présenté au dernier festival de Cannes, Vincere est reparti bredouille. Sa qualité générale aurait pourtant méritée d'être récompensée.


Ilda Dalser rencontre à Trente un jeune socialiste dynamique, un peu tête brulée. Sa carrure, sa grande gueule et son abnégation séduisent la belle brune. Cet homme, c'est Benito Mussolini (Fillipo Timi). Histoire terrible mais vraie, Vincere raconte comment cette femme s'est faite flouée par l'homme à qui elle sacrifiera sa vie, un homme en fait déjà marié, un homme trop attaché à ses rêves de grandeur, un homme qui abandonne une femme et son enfant un temps reconnu, puis nié. Si la première partie envoute par son lyrisme intime, accompagné de sublimes airs d'opéras, la seconde partie narre avec intensité la lutte d'une femme désespérée.


Du grand cinéma


Marco Bellocchio, septuagénaire dont plus personne n'attendait rien, livre une grande partition de cinéma. A l'instar d'un Inglorious Basterds ou d'un Public Ennemies, le destin et l'Histoire se jouent dans la salle de projection. Cela donne lieu à quelques scènes incroyables où les spectateurs s'insultent quant au déroulement des évènements. Socialistes contre fascistes s'écharpent devant des images de guerre, les apparitions du Duce à l'écran provoquent un salut fasciste général. Cette grande histoire se dessine aussi par les journaux, les tracts. La violence physique n'est jamais loin, discrètement cachée par une fausse bienséance du théâtre traditionnel. En revanche la violence psychologique est omniprésente.


A travers le regard d'Ilda Dalser se cristallise une image trop peu mise en valeur d'habitude. Dès le début du film, dans une scène d'amour aussi tendre qu'effrayante, Mussolini est montré en contre-plongé, le regard globuleux, les traits durs, comme insensible aux mots doux de sa compagne. Le Duce était une sorte d'objet de fantasmes, une prestance à l'attrait sexuel indéniable. Si Ilda cherche à être reconnue comme épouse légitime, les femmes l'entourant voit cette lutte vaine différemment. Il y a d'abord cette folle qui lui demande naturellement s'il « baise bien » ; il y a surtout cette bonne sœur qui lui dit qu'elle devrait s'avérer heureuse d'avoir été son amante.


Vincere offre la possibilité de voir l'Italie fasciste comme un pays enfin fier de ce qu'il est. On voit clairement le basculement d'un Mussolini de sa fougue socialiste- homme représenté comme turbulent, beau, bien habillé-, à son changement de retour de la guerre, en homme converti. Le moment où il s'embarque dans les engrenages du pouvoir concorde avec l'abandon d'Ilda. A partir de là, ni elle, ni nous ne le reverrons directement. Seules les images d'archives nous parviennent. Il existe clairement un décalage physique entre le Benito jeune, beau et le Mussolini réel, aux traits durs et à la verve surjouée. A travers cette double pénétration dans l'histoire, Bellocchio permet à son film de prendre une ampleur incroyable.


Une femme est plus qu'une femme


Le rôle très complexe de cette femme trahie est magistralement interprétée par Giovanna Mezzogiorno. Elle ressemble un peu à Marion Cottillard, mais en plus belle, au regard plus envoutant et avec une qualité d'actrice bien supérieure à la française. On ne peut qu'admirer la vigueur avec laquelle cette femme va lutter pour faire reconnaître son fils. Psychiatres, religieux, miliciens, tous échouerons à la résigner. Chaque plan rapproche inéluctablement Ilda vers une mort intérieure. De sa fraicheur et de sa beauté dans sa robe de mariée, on la retrouve comme un zombie aux cernes marqués. Malgré tout ce poids, ce qui reste de son charme naturel illustre cette force intérieure avec lequel elle se bat jusqu'au bout.


Afin de montrer au mieux ce périple, le réalisateur a fait le choix d'une mise en scène audacieuse. Quelques plans magnifiques appuient toujours plus l'impression d'assister à un opéra cinématographique. Un jetée de lettres à travers le grillage de l'hôpital, le tout alors que la neige tombe fortement, est sublime. La scène où Ilda regarde le Kid vous prend aux tripes- voire aux larmes. Vincere est très peu bavard, mais quand le flot de paroles devient plus conséquent, les dialogues sont d'une haute qualité. Finalement difficile de trouver un défaut à ce grand film. Peut-être quelques longueurs, ou le risque, assez peu probable, de ne pas accrocher à l'aspect lyrique-intimiste de sa mise en scène. La puissance crépusculaire de cette œuvre prouve vraiment que le cinéma italien est encore capable de grandes choses.


Vincere, de Marco Bellocchio, avec Giovanna Mezzogiorno, Fillipo Timi, Fausto Russo Alesi (It., 1h58, 2009)


La bande-annonce de Vincere ci-dessous :

 

 

 

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commentaires

E
<br /> Alors je précise : si Le metteur en scène de mariages a quelque peu divisé la critique et a été peu vu (et très mal distribué, je ne l'ai d'ailleurs pas vu), La sourire de ma mère et surtout<br /> Buongiorno notte ont été très bien reçu par la presse (voir sur les recensions que fait AlloCiné par exemple) et ont eu leur petit succès en salles, le cinéaste y retrouvant une belle vigueur. Cela<br /> venait surtout après une période où Bellocchio n'intéressait plus grand monde, s'étant embourbé dans les années 90 dans des adaptations littéraires. Auparavant, de ses débuts aux années 80, il<br /> s'était imposé comme l'un des cinéastes italiens majeurs. J'encourage les lecteurs de ce blog à se pencher sur son œuvre entière.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> sauf que quand tu lis Télérama, ils disent qu'ils ne l'attendaient plus. Et si la critique fut plutot bonne pour Buongiorno notte, come tu le dis, la distribution fut catastrophique.<br /> J'aimerai bien voir le sourire de ma mère. Je vais me pencher dessus.<br /> <br /> <br />
E
<br /> Je ne reviens pas sur nos nombreux désaccords à propos de ce film, mais je relève juste cette phrase qui me paraît fausse concernant le fait que personne n'attendrait plus rien de Bellocchio. Bien<br /> au contraire, celui-ci, après une éclipse dans les années 90, a réalisé un remarquable retour au premier plan (public et critique) dans les années 2000 (Le sourire de ma mère, Buongiorno notte et<br /> Le metteur en scène de mariages). D'où, justement, ma déception personnelle devant l'académisme de Vincere.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> pourtant, les derniers films du réalisateur avait profondemment céçu la critique. Et le public n'aviat guère suivi en salle. (maintenant loin de moi l'idée que succès popuaire et avis critique des<br /> magazines fasse figure de parole d'évangile)<br /> <br /> <br />
P
<br /> L'histoire de cette femme, le jeu de l'actrice (d'une fadeur !!!) et la façon dont elle est racontée ne m'ont absolument pas touchée. Et je le regrette. J'aime le lyrisme, l'émotion et tout.. mais<br /> là :<br /> rien.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> c'est ce que j'ai pu comprendre. c'est vraiment dommage car ça m'a profondemment touché.<br /> Je remarque juste que les deux derniers films vus et aimés de ma part parlent de l'amour parental pour leur enfant. Avec La route et Vincere, nous avons deux univers complétement différents mais<br /> qui traitent du même aspect du sacrifice adulte.<br /> <br /> <br />
D
<br /> Bonsoir, il y a des belles scènes dans le film mais personnellement, le destin d'Ida Dalser montrée dans ce film ne m'a pas émue et je le regrette. C'est trop pompeux à mon goût. Bonne soirée.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> bonsoir,<br /> oui je viens de lire ça sur ton blog. J'ai justement trouvé ça profond et non pompeux. Je pense que l'on y voit vraiment une lutte acharnée et subtile dans son traitement. Et la scène avec le Kid<br /> m'a personnelement ému.<br /> au plaisir de débattre sur d'autres films!<br /> <br /> <br />
J
<br /> en gros, je suis rarement arttiré par un certain cinéma d'auteur "de festival" que je qualifierais d'un peu poussiereux... C'est un a priori, je sais, mais tout dépend des sujets en fait. Pour<br /> celui-ci , le fonds politique et historique m'intéresse beaucoup. ;-)<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> alors je pense que tu peux tenter le coup. Par rapport aux festivals, Cannes reste assez ouvert. Je suis plus méfiant de la Mostra et surtout de l'Ours berlinois. ^Mais ça reste un super tremplin<br /> pour de jeunes réalisateurs.<br /> <br /> <br />

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