Afin de clore en beauté le cycle d'Avril consacré à Hayao Miyazaki, dont la rétrospective d'Arte nous aura enchanté, retour sur Princesse Mononoke. Un hommage au maître en écho à son approche animiste.
Nausicaä de la vallée du vent avait déjà posé tant de bases. L'univers de Miyazaki comprenait une bonne dose d'animisme, un soupçon d'espoir humaniste, une héroïne courageuse et battante, agrémenté d'un trait graphique hors norme soulignant les saveurs fantastiques. Avec Princesse Mononoke, le créateur de chez Ghibli atteint les cimes et le succès immense du film lui conféra dès lors une aura à échelle mondiale. Nous voilà entrainé dans un Japon rêvé, où un jeune prince cherche à se délivrer du démon qui le ronge.
On est d'abord scotché graphiquement parlant. Si les talents du studio ne sont plus à démontrer, le travail du détail fascine. La multiplication des plans ajustée sur la profondeur de l'environnement permettent d'admirer un monde à la grandeur inégalée. A la lumière de ces images éclate l'écart criant avec les univers de Là-haut et d'Avatar. Pour le premier, l'univers fonctionne moins dès lors que nous survolons les paysages de l'Amérique du Sud. Conséquence, on se rend compte tout de suite que la forêt présente n'est pas si étendue, les arbres sont clairsemés et la magie ne prend pas pleinement. Pour Avatar, le problème opposée émerge. Grâce aux plans en hélico, on prend conscience de l'immensité de Pandora. Or, une fois à terre, l'envoutement semble étriqué, sans respiration, linéaire. Le fourmillement de détail de Princesse Mononoke ne se retrouve pas, sûrement à cause de l'envie de réalisme. Le film de Miyazaki regorge de mille et une idées oniriques. Les créatures humanoïdes ne servent que de point d'ancrage à notre esprit avant que la fantaisie ne nous embarque ailleurs. Alors, stop aux comparaisons hâtives, les maîtres nippons surclassent les pâles imitations hollywoodiennes.
Puissant et beau
D'autant plus que le dessin se retrouve à mi-chemin entre l'épuré (façon Totoro ou Kiki la petite sorcière) et la tradition baroque de traits multiples et appuyés (Ghost in the Shell, Akira). Rien n'est tout blanc ou tout noir, rien ne se fige au premier coup d'œil. Une forme qui sert le fond puisque l'histoire active les mêmes schémas sinueux mais lisible. Sans jamais tomber dans le post-apocalyptique trop ample, Pincesse Mononoke renvoie aux plus belles fables animistes. L'esprit de la forêt comme divinité mortelle, des Hommes en quête d'intégration dominatrice, ne cherchez ni gentils ni méchants. Tous les personnages décrit se caractérisent par une foule de qualités et de défauts. Dame Eboshi veut certes détruire le bois environnant et sa faune, or elle le fait pour protéger son peuple. C'est aussi un personnage foncièrement féministe, sauvant des femmes de joies par le travail aux forges.
Les êtres sacrés de la nature sont sages et respectables, puissants et beaux, mais n'en demeure pas moins dangereux pour l'humain, preuve en est grâce à cette mère louve, directement inspirée de la légende romaine de Remus et Romulus. Sauf qu'ici, on inverse la destinée. Mononoke, enfant sauvage, ne crée pas de la civilisation mais rend à la nature l'équilibre sauvage perdu. On s'attache du coup à des éléments que l'on rejetait en début de film. La destruction de la forge par exemple, à laquelle tenaient ces femmes. L'industrialisation évoque la déchirure Homme/nature puisque les premiers détruisent la seconde. Or, l'animisme miyazakien cherche un juste milieu, évitant tout manichéisme et ne renonce pas à l'utopisme. Son temps suspendu se dissèque par un charme évitant l'angélisme sans vergogne. Une évidence quand les plans fixes contemplent les alentours, créant un souffle réparateur pour le spectateur. A ce titre, l'aventure Mononoke se vit comme la plus accomplie des créations d'Hayao.Du grand art.
Princesse Mononoke d'Hayao Miyazaki, avec les voix d'Yoji Matsuda, Yuriko Ishida, Akihiro Miwa (Ja., 2h14, 1997)
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La bande-annonce de Princesse Mononoke ci-dessous :