Une affaire d'identité
Fresque monumentale sur un épisode passionnant de l'histoire chinoise, Detective Dee remet Tsui Hark d'aplomb avec une classe indéniable.
La première fois que l'on voit Dee, sa barbe et ses cheveux salit par huit années de captivité mettent d'autant plus en valeur sa supposée cécité. Comme Tsui Hark, revenu de loin, Dee cache son jeu. Dès la première agression, les deux révèlent leurs armes. Tout le monde les croyait fini, terrés dans les oubliettes. Les voici qui s'incarnent en héros grandiloquents d'une Chine en crise. La figure d'un bouddha géant trône et menace en même temps la souveraineté de la future impératrice. A la veille de son couronnement, le danger rôde. Sûrement agacée par le sacre d'une femme, une âme malveillante a éliminé plusieurs dignitaires du régime en les brulant de l'intérieur.
Si le terme « détective » peut à priori faire penser à un thriller, le nouveau Tsui Hark s'en éloigne. Il renoue plutôt la flamboyance de Seven Sword ou Il était une fois en Chine, montre des combats fait de ralentis et de personnages défiant la gravité (un peu comme Tigres et Dragons pour prendre l'exemple le plus populaire). Quiconque aime cela sera comblé. Les autres peuvent se rassurer, Detective Dee recèle bien d'autres trésors. D'abord par son découpage énergique mais toujours lisible. La grande qualité du chinois est de faire monter en épingle les enjeux pour libérer la puissance dévastatrice de ses confrontations stylistiques. Si l'on excepte toute une série d'effets spéciaux d'une rare laideur, le travail chorégraphique joue des couleurs et des drapés.
Un film qui sert aussi une réflexion politique passionnante. Wu Zetian, l'impératrice en devenir, doit diriger la toute-puissante Chine des Tang. Se développe alors la question de la loyauté et de la trahison. Dee est un ancien insoumis, les ouvriers du chantier s'agitent et des proches de la grande dame pourraient être impliqués dans l'étrange enquête. S'y mêle le débat sur la place de la femme. Si le patriotisme inné de ces films chinois (on ne va pas leur en vouloir) dénature souvent le propos de fond, ici, l'analyse n'en devient que plus fine. La révolte est-elle légitime et à partir de quel point ? L'autorité se gagne t-elle par le titre ou par l'aura ? La finesse du scénario épate autant que la lisibilité de l'ensemble (le montage et le travail sur les raccords est un modèle du genre). Fresque historique servie par des décors réels sublimes, Detective Dee joue même sur un suspense mesuré. Un film à grand spectacle, surement cloitré en France à quelques obscurs salles courageuses mais qui doit déplacer les foules au pays de Mao.
Detective Dee le mystère de la flamme fantôme, de Tsui Hark, avec Andy Lau, Carina Lau, Tony Leug Ka-Fei (Chi., 2h03, 2011)
Sortie le 20 avril
La bande-annonce de Detective Dee :