Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 août 2009 6 29 /08 /août /2009 17:22

http://nicolasfurno.com/files/planc/50.png

L’attente depuis De battre, mon cœur s’est arrêté fut longue, mais Jacques Audiard revient ! Il livre un véritable monument de cinéma d’auteur : dense, profond, précis. Avec en prime des acteurs flamboyants de noirceur.

 

Injustement critiqué depuis ses premiers longs-métrages, Jacques Audiard a pourtant toujours fait preuve d’une excellente rigueur dans la réalisation. Seulement voilà, trop hybride entre cinéma d’auteur et grand public, trop léché, pas assez tendance, les avis furent parfois sévères. Mais comme la vie est parfois bien faite, tout le monde dans le métier s’est prosterné pour saluer Un prophète.

 

Coup de poing

 

Et pour cause ! L’histoire de Malik, jeune arabe condamné à 6 ans de prison pour délits mineurs, frappe le spectateur. Premier coup de maître, faire en sorte de ne rien savoir de sa vie antérieur. Aucune explication sur la raison de sa condamnation, pas de famille, les poches vides, Malik apparaît vierge cinématographiquement. Son histoire, il doit la construite, en taule. Si l’ambiance de la prison nous parait extrêmement réaliste et travaillée, le réalisateur se défend d’avoir cherché le film documentaire. Il n’empêche : fouilles au corps, balades surveillées, mitard, tout l’univers carcéral est retranscrit. La lumière magnifie les acteurs, les cachent et les dévoilent à volonté.  Maîtrise totale pour cette réalisation qui garde un soupçon d’incertitude dans ses mouvements de caméras. Pas d’esbroufe ici, Audiard refuse le beau plan pour le beau plan. Chaque séquence a sa signification.

 

 Tahar Rahim dans le rôle principal change d'apparence en fonction : rasé, barbu, costaud ou chétif. Une physionomie pas anodine. L’évolution du personnage s’y retrouve. Paumé à ses débuts, Malik va se retrouver engagé auprès des mafieux corses. Face à eux, le clan arabe. On ne peut être que terrifié devant la relation nouée avec César (NielsArestrup). Véritable larbin esclave du corse, Malik arrive à jouer fin, à s’émanciper en partie. Il prend des risques, discute avec les arabes, fait son business. Le scénario explore toutes ces pistes au maximum. C’est dense, presque trop, mais tout est méticuleusement agencé pour que le film avance.

 

Fausses polémiques

 

Abdel Raouf Dafri, le scénariste, n’en ai pas à son coup d’essai puisque c’est à lui qu’on l’on doit les scripts des Mesrine. Mais, tempête dans un verre d’eau, la dualité mafia corse/ délinquants musulmans suscite la polémique. Pas du côté arabe mais du côté des nationalistes de l’île de beauté. L’histoire serait caricaturale et insultante. Sauf qu’une fiction reste une fiction, que Jacques Audiard s’est toujours défendu de faire un documentaire. Jamais il n’est dit que tous les corses magouillent. A ce moment, pourquoi ne pas crier au scandale quand les italiens passent pour des pourris avec le Parrain ? Du côté politique, quelques voix commencent à s’élever sur l’image des arabes. Malik deviendrait une sorte de modèle de gangsta intelligent et égoïste. Le danger : que les banlieusards s’en inspirent.  


Débile quand on sait que ce personnage fut pensé comme un anti-Montana (Scarface). La virilité apparente ne s’affirme que dans un désir de survie. Le jeu des acteurs vous dissuadent de cette théorie. L’interprétation de TaharRahim vous scotche. Le jeune homme pourrait devenir le symbole du futur cinéma français. Celui où l’arabe n’est ni un objet social d’intégration, ni un anti-héros. Le rôle de Malik se situe entre les deux, Audiard s’abstient de la juger. Cette petite frappe un peu rebelle apprend le respect, la soumission et la cruauté. C’est aussi un homme qui peut rester loyal. Et comment ne pas s’attarder sur la prestation hallucinante de Neil Arestrup en parrain corse. L’acteur réussi le tour de force d’être encore meilleur que dans De Battre…. Sommet de férocité féline et d’attaques surprises tel un serpent, le personnage de César reflète la face la plus esclavagiste de l’Homme. Quel meilleur moyen que de donner toute sa force à une fresque humaine aux multiples niveaux d’interprétations qu'en confiant les rôles à des visages presque tous inconnus ?

 

Mais quelques lignes ne suffiraient pas à résumer toute la profondeur d’Un prophète. La psychologie y est explorée jusque dans le rêve, la parano. Ces scènes montrent toute la torture exercée par l’enfermement, avec en prime une caméra toujours dans l’angle parfait. Un très grand film d’auteur, à coup sûr. On le digère petit à petit, et comme tous les Audiard, il mérite plusieurs visionnages afin d’en savourer toute la profondeur.

 


 

Un prophète, de Jacques Audiard, avec Tahar Rahim, Neil Arestrup, Adel Bencherif (Fra., 2h35, 2008)

 

La bande annonce d'Un prophète ci-dessous :

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
<br /> Oui la violence est utilisée à juste titre je ne dis pas le contraire mais justement quand elle est bien imbriquée dans l'histoire et quand elle est justifiée par le film je me sens mal parce que<br /> je suis impliquée dans le film. En fait quand cela s'implique trop dans le réel la violence a toujours un très fort effet sur moi.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> alors c'est une bonne chose, ça veut dire que tu vis les films, que tu fais l'effort de rentrer dedans. C'est très encourageant pour les réalisateurs car ça ne cantonne pas le cinéma à une simple<br /> distraction légère.<br /> <br /> <br />
M
<br /> 7 mois plus tard j'ai enfin eu l'occasion de voir le film, sorti au "mauvais moment" en France pour moi je suis contente d'avoir pu me rattraper. J'ai beaucoup aimé ce film mais comme vous le<br /> signalez si bien le début est d'une grande violence, je me suis sentie mal à l'aise à plusieurs reprises et puis finalement je me suis laissée emportée par cette histoire, ne trouvant aucune<br /> longueur et appréciant le travail du réalisateur et le talent des acteurs. Arestrup est terrifiant et le jeune Rahim est impressionnant dans son jeu. Moi aussi je tire mon chapeau au travail<br /> d'Audiard qui livre ici un très grand film.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> le film ne fait pas dans la dentelle, et la violence est utilisée à juste titre je trouve. Je ne pensais pas que l'on pouvait se sentir mal à l'aise à cause de ça, mais bon tant qu'on est porté par<br /> la suite. Arestrup est fascinant c'est évident.<br /> Et hop, encore quelqu'un de conquit, normal !<br /> <br /> <br />
V
<br /> Excellent, belle approche d'un film majeur parsemé de flashes oniriques extraordinaires. Réflexion faite, c'est cette critique que je mettrai en lien dans le Palmarès ! Elle le mérite !<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> et j'ai la vague impression que le film se classe plutot pas mal [suspens encore...]<br /> <br /> <br />
B
Il va falloir que je me décide à aller le voir, tout le monde n'en dit que du bien....
Répondre
A
<br /> oui c'est pour ça que je te le signalais quand tu faisais le planning des sorties.<br /> bon après évite d'y aller avec trop d'attente, ça évitera la deception. Vas y en te disant que tu va plonger dans une fiction sombre, et que le film est très dense.<br /> tu me donneras ton avis après, j'en suis sûr!<br /> <br /> <br />
N
On est d'accord... grand film! C'est rare que je revois un film français mais celui-ci c'est sur qu'il y aura droit
Répondre
A
<br /> Oui très grand. Je pense qu'il mérite de faire parti de ces films marquant de l'histoire du cinéma. car plus qu'une oeuvre profonde, c'est aussi un tournant pour le 7eme art français. Ahhh et en<br /> plus tout le monde (ou presque) est d'accord. C'est tellement rare..!<br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Critiques cinémas d'hier et d'aujourd'hui
  • : Qu'ils viennent de sortir en salles ou qu'ils fassent partie de la légende, tous les films risquent un jour de passer à la moulinette de l'incorruptible critique de ce blog.
  • Contact

Twitter/ Facebook

Plan-c : critiques cinéma d'hier et d'aujourd'hui   

Faites également la promotion de votre Page

Graduation

http://nicolasfurno.com/files/planc/00.png A fuir !

http://nicolasfurno.com/files/planc/05.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/10.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/15.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/20.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/25.png Pas Mal.

http://nicolasfurno.com/files/planc/30.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/35.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/40.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/45.png

http://nicolasfurno.com/files/planc/50.png Indispensable !

Le film d'Octobre

affiche drive

Dans l'actu

Bientôt au cinéma :

affiche contagion affiche l'ordre et la morale affiche take shelter

 

Récemment sortis :

affiche les géants affiche les marches du pouvoir affiche l'exercice de l'état affiche intouchables affiche poulet aux prunes affiche la couleur des sentiments affiche tintin affiche the artist affiche drive affiche le skylab affiche dream house affiche les hommes libres affiche alice affiche l'apollonide affiche la nouvelle guerre des boutons affiche restless affiche la guerre des boutons affiche crazy stupid love affiche warrior affiche carré blanc affiche présumé coupable affiche putty hill affiche la grotte des rêves perdus affiche la guerre est déclarée affiche blackthorn affiche cowboys & envahisseurs affiche la piel que habito affiche captain america affiche melancholia affiche la planète des singes les origines affiche mes meilleures amies affiche green lantern affiche super 8 affiche une vie tranquille