Hunger est le premier long métrage de Steeve McQueen. Non, pas l'acteur américain mais l'artiste britannique déjà connu pour ses oeuvres de l'art contemporain. Ce n'est pas un projet exploité à la va-vite : 5 ans de production issu des souvenirs d'enfance du réalisateur, un acteur qui perd 14 kilos pour un rôle, la reconstitution d'une prison de Belfast et un accueil excellent du public et de la presse.
Le défi était loin d'être gagné. Le film cherche à raviver le souvenir de Bobby Sands, prisonnier politique de l'IRA mort des suites d'une grève de la faim pour avoir voulu obtenir le statut de détenu politique. Le message est clair: il montre l'engagement jusqu'au-boutiste d'obtenir ce que l'on veut, de lutter pour ses convictions. Peu importe le profil du personnage, le plus spectaculaire est ce geste de rébellion que le réalisateur compare dans le making-off aux « gestes de ne pas manger des enfants. On a tous entendu cette phrase: fini ton assiette avant de sortir. » Plus que cette lutte, Hunger plonge dans l'univers carcéral de la période Thatcher. McQueen illustre un quotidien, un cercle infini de gestes à répéter.
Le mot « illustrer » prend ici toute son importance. Les paroles sont assez rares, les sons sont ceux de la prison, des matraques sur les boucliers, des crachats et des cris. L'artiste britannique ne délaisse pas son penchant pour l'art contemporain et laisse une sorte d'image biblique des martyrs (ou criminels, c'est selon) de la prison. Les corps sont maigres, la lumière blafarde, les détenus ne lavent pas leur cachot et étalent leur défections sur les murs. Les images sont fortes, pour certains choquantes. Le nez dans la merde, le spectateur sentirait presque les odeurs. Le cerveau est éveillé, la profondeur de champ l'engloutit. Michael Fassbender, interprète de Bobby Sands, livre sa chair à la maigreur, au sacrifice tout de même pudique. Les autres acteurs, détenus ou gardiens s'incarnent eux aussi en fantômes du calvaire général. Les états d'âmes, les coups sur les mains, la peur de la mort, ceux qui devraient passer pour des bourreaux s'avèrent également un peu détenus, comme bourreaux de leur propre violence.
Et puis il y a une scène monumentale. Un plan séquence de 17 minutes, caméra fixe qui secoue Hunger dans tous les sens. D'un silence bruyant, le film devient alors un concert de paroles stimulantes. Le passage est une confrontation rhétorique entre Bobby Sands et le prêtre Dominic Moran (incarné par Liam Cunningham). C'est le point de passage entre la vie carcérale et la descente à la mort un peu folle. L'activité cérébrale doit alors s'adapter très vite, passer d'une contemplation passive à une digestion rapide d'un échange verbal particulièrement fourni.
L'ambiguïté floute parfois le message, comme le veut McQueen. Pas de manichéisme, pas de leçon injonctive, mais à l'heure de Guantamamo et des autres prisons bafouant les Droits de l'Homme, l'objet Hunger retranscrit un débat extrêmement actuel. Avec style. Une bien belle caméra d'or 2008.
La bande-annonce de Hunger ci-dessous :